Comment écrire et prononcer
correctement les mots qui fâchent ?
Il en est un que l’on risque d’entendre beaucoup, d’aucuns diront même à tort et à travers, au cours de la semaine passionnée que nous nous apprêtons à vivre : c’est le mot fascisme.
La seule question qu’est habilité à se poser sur le sujet un chroniqueur de langue dans l’exercice de ses modestes fonctions porte évidemment sur l’étonnant décalage que présentent l’orthographe et la prononciation dudit mot. Au point que certains s’étonnent quelquefois de découvrir que fasciste ne s’écrit pas de la même façon que son abréviation familière facho !
Plus que jamais, un détour par l’étymologie s’impose. Si l’intéressé s’écrit avec -sc-, c’est à l’italien qu’il le doit au premier chef, grande est même la tentation d’écrire ici au premier… Duce ! C’est que le mot remonte au faisceau (du latin classique fascis, « assemblage de verges autour d’une hache, symbole de l’autorité du licteur, officier public romain ») dont Benito Mussolini avait fait l’emblème du parti que l’on sait.
Notre République n’était d’ailleurs pas en reste, puisque, quelques années auparavant, elle avait elle-même récupéré le faisceau en question pour ses propres armoiries : chacun de nos lecteurs pourra l’apercevoir à la une de son passeport, il est vrai agrémenté pour la circonstance d’une pelta, ce petit bouclier de l’Antiquité grecque en forme de croissant, ainsi que de branches de chêne et d’olivier. Jusqu’aux sans-culottes qui ne l’avaient pas snobé, le coiffant au passage de l’inévitable bonnet phrygien.
Voilà déjà éclairci le mystère de cette graphie si peu conforme aux règles de la prononciation française : il suffit d’écouter les mots fascicule ou fascination pour comprendre que l’on s’en est remis, en l’espèce, à l’italienne. Dans la langue de Dante, en effet, si le groupe -sc- résonne comme notre sculpteur devant les voyelles a, o et u, il se prononce devant un e comme schéma, devant un i comme chinois.
Il reste qu’il n’est nullement interdit de prononcer fascisme comme fascination. L’ancien baron du gaullisme Alexandre Sanguinetti le faisait en son temps couramment. Quant aux dictionnaires actuels, ils cautionnent cette variante phonétique, sans réserve chez Robert, de façon plus mesurée chez Larousse, où on la considère comme « vieillie ». L’émergence, en mai 1968, du « facho », c’est sûr, ne va pas plaider pour son retour en grâce…