« Temps de brin »
ou « temps de brun » :
à en devenir brindezingue !
La météo maussade de ces derniers mois comme l’évolution de nos dictionnaires nous incitent à revenir sur un sujet que nous avions traité ici même, il y a plus de quinze ans, en pleine « chtimania ».
Maussade, le mot est faible, puisque ce sont des « Temps de bren ! » qui colonisent nos oreilles depuis des semaines. Ne nettoyez vos lunettes ni ne criez à la coquille : c’est bien ainsi qu’en français il siérait de nommer ce qu’ailleurs on assimile plutôt à la… matière de prédilection de notre Cambronne national. Si vous ne nous croyez pas, ouvrez le Larousse ou le Robert que vous avez sous la main : ni à brin ni à brun vous ne trouverez quoi que ce soit qui ressemble à des fèces. En revanche, et pour peu que vous vous en soyez remis au second plutôt qu’au premier, vous tomberez sur bran (pas grave, ça porte bonheur) : « partie la plus grossière du son ; excrément ». Et comme celui-là pouvait aussi s’écrire bren, en se prononçant comme moyen, vous avez tout compris.
C’est d’ailleurs ainsi que ledit mot est recensé dans l’ouvrage récemment publié aux éditions Le Robert, Dans le Nord et la Picardie, ça se dit comme ça ! On s’y fend même de cette précision : « L’interjection du bren ! (on croirait entendre Dany Boon) est très fréquente en français du Nord, comme équivalent de merde ! » Mais les auteurs, Alain Dawson et Liudmila Smirnova, d’ajouter aussitôt que « le mot est parfois écrit brin, conformément à la prononciation, ou brun, par confusion avec la couleur ».
La précision serait à nuancer. D’abord, ce n’est pas parfois, mais toujours, que bren est chez nous renvoyé aux oubliettes de l’histoire ! Ensuite, s’il est vrai que les lois de la phonétique devraient permettre de disqualifier brun (qui se prononce plus fermé), chacun sait que la différence n’est plus guère audible, fût-ce hors des Hauts-de-France : il nous suffit d’avoir lu un jour que se cachait, derrière le « divin chauve » qu’était Fabien Barthez, un « brun de folie ». Enfin, la couleur relève moins de la confusion que de la justification étymologique : c’est parce que le caca est généralement marron que plus d’un opte pour brun. Le Petit Robert apporte du reste de l’eau à leur chasse en l’adoubant depuis peu (à l’entrée bran) aux dépens de brin !
Bref, une nouvelle guerre de religion. Pour d’évidentes raisons de saveur, on peut préférer celle qui oppose le petit pain au chocolat à la chocolatine.