En ces temps difficiles,
chacun d'entre nous
se console comme il peut !

< dimanche 3 mars 2024 >
Chronique

Nombre de lecteurs, parions-le, se seront étonnés d’entendre Ariane Ascaride, lors de la Nuit des César, inviter une assistance émue par Judith Godrèche à se réfugier dans la « beauté consolatoire » des films.

La première réaction de votre serviteur, il se doit ici de l’avouer, aura été de conjurer Ségolène Royal de sortir de ce corps : ne nous refaisait-on pas à l’Olympia le coup de la « bravitude » sur la Grande Muraille de Chine ?

Eh bien, non ! Renseignements pris, il ne s’agissait pas cette fois d’un barbarisme. S’il ne figure plus ni chez Larousse ni chez Robert, le mot a bel et bien existé… il y a longtemps ! Littré le recensait encore dans son Dictionnaire de la langue française, sous la plume de Montaigne. L’Académie en faisait état dans ses premières éditions, précisant néanmoins dès la deuxième qu’il « vieillissait » et dans la cinquième qu’il « était vieux ». Moyennant quoi il disparut de ses radars en 1835 pour n’y plus jamais revenir. Quant à Alain Rey, il ne lui consacre pas une ligne dans son Dictionnaire historique de la langue française, pourtant si prompt, d’habitude, à nous rapporter le moindre soubresaut de cette dernière.

Il faut dire qu’en la matière notre langue n’a jamais été démunie : elle dispose depuis si longtemps (le XIVe siècle au moins) des formes consolante et surtout consolatrice qu’elle pouvait s’offrir le luxe de confiner consolatoire dans le domaine rhétorique (on a parlé notamment d’« épître consolatoire »), avant de s’en débarrasser à la première occasion.

Vous nous direz, non sans raison, qu’abondance de biens ne nuit pas au cours d’une vie qui ne nous donne que trop souvent l’occasion de tirer le Kleenex. Et que cet archaïsme inattendu a déjà eu la vertu de nous arracher à cette somnolence qui est la contrepartie presque inévitable de ces grand-messes du cinéma.

Pourquoi n’en pas profiter pour vous apprendre, si vous ne le savez pas déjà, que les consoles de jeux chères aux ados auraient un lointain rapport avec la consolation du jour ! Le terme n’a-t-il pas d’abord désigné la « partie saillante en forme de S qui soutenait une corniche ou un balcon » ? Autant que de consolider, ne s’agissait-il pas de… soulager ces derniers d’un poids certain ? Nous n’irons pas jusqu’à prétendre que les PS5, Xbox et Nintendo Switch d’aujourd’hui aient vocation à consoler la jeunesse du monde ingrat qui les entoure, mais avouez que c’est tentant !