Linguistiquement parlant,
le sort des otages
est en constante évolution !
Avec les récents mouvements de contestation dans le monde de l’agriculture, chez les enseignants et à la SNCF, nous aurons eu derechef les oreilles rebattues de ces malheureux usagers que l’on « prend en otages »…
L’expression, si elle sied à quiconque pâtit des désagréments qu’occasionnent grèves et blocages, a aussi de quoi agacer. Les tenants du droit de grève, d’abord, prompts à voir là une intolérable atteinte aux acquis sociaux. Mais aussi des citoyens lambda moins politisés, se bornant à ranger cette métaphore qui flirte avec le cliché parmi les pires marronniers journalistiques !
Le chroniqueur de langue s’en tiendra, lui, aux faits. Il commencera par s’amuser de la parenté qui unit l’otage à l’hôte. Le « h » comme le circonflexe ont eu beau se maintenir ici, s’esquiver là, il s’agit bien de cousins germains, lesquels descendent en ligne plus ou moins droite du latin hospes. Faut-il rappeler que l’otage ne fut à l’origine rien de moins que l’hôte du souverain avec qui l’on venait de conclure un traité, se portant par là garant de son exécution ? Avec le temps, certes, la notion de volontariat en aura pris un coup…
Autre pierre d’achoppement : le flou peu artistique qui entoure le statut grammatical d’otage. Longtemps on en a fait une tournure figée, donc invariable. L’Académie écrivait encore en 1935, dans la huitième édition de son Dictionnaire : « Les ennemis se firent donner des villes en otage. » Sans avoir l’air d’y toucher, elle propose aujourd’hui : « Des terroristes ont pris en otages les passagers de l’avion » et, « par affaiblissement » (quand même !), « Des usagers pris en otages par les grévistes ». Visiblement, le nom, désormais traité en attribut, s’accorde avec le sujet. Dont acte, même si Larousse semble… se figer sur ses positions (« Journalistes pris en otage »).
Le problème subsiste pourtant pour le genre. Car si otage est aujourd’hui masculin ou féminin chez Larousse comme chez Robert, il reste, si l’on ose dire, un mâle à part entière sous la Coupole, où, non sans raison, il ne passe ni pour un titre ni pour un nom de métier. Partant, l’historien respectueux de la vieille dame du quai Conti se doit d’évoquer ainsi la fin du calvaire de Florence Aubenas : « L’otage français a été libéré le 11 juin 2005. »
D’aucuns, pour que ça change, ont bien suggéré de prendre nos académiciens en otage(s). Mais avec quel moyen de pression, dès lors qu’ils se croient immortels ?