Féminicide :
bien le nommer
pour mieux le combattre !
Voilà une question qui, hélas ! ne déserte jamais longtemps l’actualité. Si la chose — heureusement — fait l’unanimité contre elle, le mot, pour sa part, suscite encore quelques réserves, et jusque parmi nos lecteurs…
L’un d’entre eux s’étonnait en effet, au lendemain de Noël, que La Voix du Nord usât de ce nom quand, à son avis, « fémicide » aurait été autrement adéquat : « L’on dit bien homicide, argumente-t-il, et non « hominicide » ! » Certes, mais l’étymologie vole ici au secours de l’usage : c’est justement parce que le latin homicidium a été formé sur le radical du nominatif homo que féminicide (formation savante et beaucoup plus tardive) a été aligné sur celui du femina latin. Et ce, quand bien même le parallélisme ne serait qu’apparent : si femina se disait bien d’une dame, homo n’était en rien l’apanage du mâle puisqu’il renvoyait… à l’être humain, quel que fût son sexe !
Cela étant, notre lecteur se consolera en apprenant (s’il ne le savait pas déjà) que la forme « femicide » a précédé de peu notre féminicide, au sens moderne et spécifique de « meurtre d’une femme en raison de son appartenance au sexe féminin » : on la doit à une sociologue australienne, Diana Russell, laquelle, en 1976, avait forgé ce mot-valise à partir de l’anglais female homicide ! Pour l’anecdote, Alain Rey fait aussi allusion, dans son Dictionnaire historique de la langue française, à un « femmicide » qui, formé sur le français femme, avait jailli de la plume de l’écrivain Scarron trois siècles plus tôt.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le mot féminicide provoque le débat. S’il ne se trouve plus personne pour soutenir qu’homicide — étymologiquement correct mais par trop général et ambigu sur le mobile du meurtre — faisait très bien l’affaire, d’aucuns ont regretté la mise au rebut d’uxoricide, qui avait pour lui l’antériorité et la tradition. Mais il a été vite répondu à ces nostalgiques-là que, le latin uxor désignant l’épouse, cela aurait exclu du champ tout meurtre perpétré hors du cadre conjugal. Pis, ledit terme serait allé à rebours de la mission qu’on entendait lui confier, ayant presque valeur d’absolution chez les Romains en cas d’adultère dûment constaté !
Féminicide semble donc bien installé. Ne reste plus qu’à oublier qu’il a d’abord servi d’adjectif (c’est encore cet iconoclaste d’Alain Rey qui l’affirme) pour qualifier les corsets qui, autrefois, mettaient à mal le corps féminin...