Il a fait rougir la Maison-Blanche

Internet superStarr

< mardi 22 septembre 1998 >
Chronique

Que l'on se rassure : nous n'entendons pas ajouter un épisode au dernier feuilleton, plus salace que Dallas, qui nous vient d'outre-Atlantique. Loin de statuer sur le fond (on ne l'a, dans cette affaire, que trop touché), c'est sur la forme que nous nous pencherons ici, et plus particulièrement sur l'évident embarras qui s'empare de la presse française chaque fois qu'il lui faut évoquer le réseau des réseaux... Convient-il, comme le fait notre confrère Le Monde, de l'assimiler à un nom propre (Internet bat ses records de trafic sans embouteillage) ou vaut-il mieux, à l'instar de Libération, l'assortir d'un article (La vie sexuelle du Président s'étale sur l'Internet) ? Quand, en matière de correction linguistique, nous ferions plus spontanément confiance au premier nommé — la une du même Libération ne s'orne-t-elle pas, quelques lignes plus bas, d'un « désavœu » peu avouable ? —, la question divise suffisamment les internautes pour que nous ne nous retranchions pas derrière des préjugés... D'autant que l'origine de ce mot-valise, né de interconnection of networks (« interconnexion de réseaux »), plaiderait plutôt en faveur de Libé : il ne s'agit, après tout, que d'un procédé, et non d'une marque ou d'un produit ! Quant à la majuscule, qui semble pour sa part s'être imposée, elle ne constitue en rien une preuve d'appartenance aux noms propres : il n'est pas rare, remarque Gabriel Otman dans Les mots de la cyberculture (Belin), que des noms communs — l'État, l'Église, etc. — la reçoivent, dès lors qu'ils s'appliquent à des éléments dont on veut faire ressortir l'unicité ou la singularité... Et quoi de plus unique, par définition, que ce réseau planétaire, qui vise à fondre en un seul tous les réseaux locaux ? Malgré tout, c'est bien chez les noms propres qu'Internet a trouvé place dans le Petit Larousse... Faut-il voir là une nouvelle « exception française » quand, partout ailleurs, on use de l'article (les Anglais disent The Internet) ? Ou la marque d'un esprit romantique, plus enclin à rêver d'une nouvelle planète qu'à se prendre les pieds dans les tuyaux, autrement terre à terre, de l'interconnexion ?