La nouvelle orthographe
et l'écriture inclusive :
des sœurs ennemies ?

< dimanche 12 novembre 2023 >
Chronique

Si la « convergence des luttes » dont rêvent d’aucuns peine à se matérialiser sur le plan social (on l’a encore vérifié lors de la réforme des retraites), elle semble autrement aisée à réaliser sur le front de la langue !

Qu’ils apposent en effet leurs signatures au bas de tribunes vengeresses ou en défendent le contenu sur les plateaux des médias, les tenants de la réforme de l’orthographe et les chantres de l’écriture inclusive sont souvent les mêmes. La plupart comptent aussi parmi ceux qui, au nom d’une langue qui se doit de rester « vivante », ne s’émeuvent pas outre mesure du délire anglomaniaque.

Ainsi de l’universitaire Éliane Viennot au micro d’Yves Calvi, la semaine dernière, sur RTL. Elle commence par souligner l’urgence d’une simplification de notre grammaire, faute de quoi l’écart entre la norme et le français tel qu’on l’écrit ou le parle risque de se creuser inexorablement. Passons sur le fait que plus d’un (à commencer par le journaliste qui lui demande si cela ne reviendrait pas à tirer le français par le bas) se préoccuperait sans doute, à la place qui est la sienne, d’enseigner mieux la règle, voire de l’enseigner tout court, au lieu d’œuvrer à sa suppression : ce ne serait pas la première fois que, chez ces gens-là, on préfère tirer le piano à soi plutôt que d’avancer la banquette ! Mais le plus étonnant est encore à venir. Interrogée dans la foulée sur l’écriture inclusive — « un non-sujet » à ses yeux, qui ne mérite pas l’« hystérie » qu’il suscite —, elle ne s’interdit visiblement plus de compliquer la syntaxe ni d’alourdir la phrase au point de la rendre illisible, au premier sens du terme.

Dans le même ordre d’idées, on peut s’étonner que ces bonnes âmes soucieuses — par le biais du point médian, de l’accord de proximité et de la redondance — d’assurer une « visibilité » à la gent féminine applaudissent à la perspective d’un participe passé conjugué avec avoir toujours invariable, que son COD le précède ou non. Cette règle n’était-elle pas pourtant bien propre à garantir ladite visibilité ? Combien d’hommes, pour peu bien sûr qu’ils ne rougissent pas de leur hétérosexualité, seraient aujourd’hui disposés à renoncer à l’accord dans une déclaration enfiévrée telle que « Je l’ai aimée toute ma vie » ?

Autant d’inconséquences qui nuisent, chez ces scientifiques autoproclamés, sinon à une cause que l’on doit respecter, du moins à la foi que l’on pourrait avoir en leurs remèdes.