« Il faut mieux »
ou « il vaut mieux »,
la faute préférée des Français ?

< dimanche 9 juillet 2023 >
Chronique

Certes, la réponse pourrait être plus floue que pour Cassel ou Esquelbecq, mais force est de constater que cette faute-là aurait toutes ses chances s'il venait à l'idée de Stéphane Bern de nous interroger par téléphone…

Il faut dire qu'en l'espèce la langue a fait aussi fort que la nature, en réunissant cette fois tous les ingrédients propices… au dérapage : une distinction peu audible à l'oral entre consonne sourde (f) et sonore (v), et surtout le fait que l'une comme l'autre peuvent parfois se défendre, en fonction du sens ! C'est ainsi que « il vaut mieux communiquer » et « il faut mieux communiquer » sont tous deux recevables dans l'absolu, le contexte seul permettant d'opter pour la bonne version.

Le tour valoir mieux exprime une préférence, que l'élément de comparaison soit sous-entendu (comme dans l'exemple fourni ci-dessus) ou explicite (« il vaut mieux communiquer qu'agir »). On veut dire par là, avec un brin de cynisme, que l'on prend souvent moins de risques (à court terme, du moins !) en faisant des promesses en l'air qu'en proposant des mesures concrètes. Le verbe falloir, lui, traduit une nécessité : « il faut mieux communiquer » signifie « il importe que nous nous fassions mieux comprendre de ceux à qui l'on s'adresse ».

On remarquera au passage que l'adverbe mieux porte, dans le premier cas, sur le verbe valoir, auquel il est alors intimement lié. On pourrait d'ailleurs le faire passer devant le verbe et dire « mieux vaut communiquer » sans dommage aucun pour la grammaire ni pour le sens. D'aucuns trouveront même que la phrase y gagne en élégance. Dans le second cas, au contraire, mieux ne porte plus sur le mot qui nous... vaut des misères, mais sur l'infinitif qui suit, en l'occurrence communiquer. Cette fois, c'est derrière qu'on peut transporter mieux, en écrivant, tout aussi correctement : « Il faut communiquer mieux » !

Vous aurez dès lors compris que la Toile se trompe en faisant dire à Henri Leconte, en pleine crise sanitaire, qu'« il faut mieux annuler que jouer à huis clos » ; à Goethe qu'« il faut mieux faire la chose la plus insignifiante du monde que de passer une demi-heure sans rien faire » ; ou encore à l'ingénieur Jean-Marc Jancovici qu'« il faut mieux que cette sobriété soit pilotée que subie, car la sobriété subie, cela s'appelle la pauvreté ».

Quant à nous, nous nous retrouverons fin août. Il valait mieux que vous le sussiez, non ?