En matière de prononciation,
c'est presque toujours la dernière...
qui tue !
« Je rappelle aussi que cette crise, elle dure depuis deux ans... et que les Français sont las de cette situation ! », a-t-on entendu d'une bouche autorisée aux étranges lucarnes, il y a quelque huit jours.
Sur le fond, le propos ne relevait certes pas de la révélation fracassante. Sur la forme, en revanche, beaucoup se seront étonnés que, dans ladite bouche, l'adjectif las rime avec passe, qu'on écrive ce dernier à la française ou à la mode d'Albion (pass). À partir de là, plusieurs hypothèses.
En premier lieu, une confusion possible avec las !, variant de notre hélas ! et se prononçant comme lui. L'interjection est ancienne mais toujours prisée de la gent littéraire, notamment des poètes. Précision qui ne sert pas la thèse : il est rare que les politiques d'aujourd'hui (Dominique de Villepin excepté, mais cela, visiblement, ne lui a pas porté bonheur) fassent dans la poésie : Lamartine, bien mort !
Ensuite le souci presque louable (mais non moins coupable) de ne pas induire le téléspectateur en erreur, lequel aurait pu comprendre, notre langue n'étant pas toujours aussi précise qu'on veut bien le dire, « Les Français sont là », entendez « de retour » ! Mais cette dernière formule eût mieux collé aux lèvres d'un partisan d'Éric Zemmour, ce qui n'était pas le cas.
Il est également possible que l'intervenant — en réalité une intervenante — ait voulu profiter de l'occasion pour marquer sa défiance à l'égard d'une règle qui, pour rester un des piliers de notre syntaxe, n'en a pas moins mauvaise presse par les temps qui courent : celle du masculin censé l'emporter, quand bien même le beau sexe serait majoritaire ! Il ne s'agirait plus dans ce cas d'une faute, mais d'un acte militant, qu'il serait de bon ton de saluer. Pour tentante qu'elle soit, la supposition n'en reste pas moins improbable, l'intéressée, comme on l'a vu plus haut, n'ayant pas fait suivre « les Français » des « Françaises », comme le réclame pourtant le politiquement correct d'aujourd'hui, de l'extrême gauche à l'extrême droite, en passant par le milieu.
Dernière éventualité, la plus vraisemblable faute d'être la plus glorieuse : la porte-parole du mouvement La République en marche (cela vient tout juste de nous revenir), emportée par son élan, n'a pu... s'arrêter à temps ! En même temps, comme dirait son chef, tant que ça ne rime ni avec mélasse ni avec ramasse...