De la règle...
et de son interprétation
en fonction du contexte
Métier ô combien dangereux que celui de chroniqueur de langue ! C'est que ce dernier n'a pas seulement à rappeler les règles, il lui faut encore les appliquer avec discernement, en tenant compte des circonstances...
Ainsi ne parierions-nous pas que, dimanche dernier, personne n'ait sourcillé à la lecture de notre intertitre : « La faute à l'orthographe ? » Ce « à » n'était-il pas au mieux familier, au pis fautif ? Ne nous répète-t-on pas depuis des lustres que l'appartenance est l'apanage de la préposition de ?
Bien sûr, tout le monde aura songé à ce bon vieux Hugo, et plus encore à son immortel Gavroche, dont les C'est la faute à Voltaire et C'est la faute à Rousseau goguenards trottent encore dans toutes les têtes. Cela dit, ce qui se crie sur les barricades n'a pas forcément vocation à se retrouver dans des colonnes dédiées à la langue française : il y a un temps pour l'oral, un autre pour l'écrit ! Et s'il n'est que normal qu'un écrivain fasse parler ses personnages selon leur origine et leur statut social, ne doit-on pas attendre autre chose d'un féru de grammaire dont la boussole est censée, sans jamais faillir, indiquer la seule direction qui vaille, à savoir celle du nord ?
Eh bien, nous plaidons non coupable (au singulier, prévenons d'éventuelles critiques, parce que l'auteur a coutume d'assumer seul ses choix et que le nous « de modestie » qui précède a valeur de je). Nous nous en voudrions certes d'écrire (sur le fond comme sur la forme, d'ailleurs) que « tout ce qui arrive est la faute à Macron ». Ce serait là une incorrection contre laquelle le goût de l'archaïsme lui-même ne fournirait qu'un maigre et dérisoire bouclier.
Mais il s'agissait ici d'un titre, lequel, par nature, s'accommode plus difficilement de tournures guindées. Surtout, la nécessaire concision qui s'y attache le prédispose à n'être, la plupart du temps, que la traduction elliptique d'une phrase plus structurée, et qui pourrait être, ici : « Faut-il imputer la faute à l'orthographe ? ». Rien que de très orthodoxe, dans ce cas.
En outre, notre intertitre comportait un point d'interrogation. Or, les grammairiens s'accordent à reconnaître, dans le cadre d'une interrogation directe, la pertinence d'un tour comme « À qui la faute ? » Et qu'avancerait-on en guise de réponse, sinon « à l'orthographe ? » On voit par là qu'une règle doit toujours être vendue... avec son mode d'emploi !