La nature a horreur du vide,
mais la grammaire, elle,
déteste le trop-plein !

< dimanche 21 novembre 2021 >
Chronique

S'il est un domaine de la syntaxe qu'un animateur se doit de connaître sur le bout des doigts, c'est bien celui de l'interrogation directe : le plus clair de son temps, ne le passe-t-il pas à questionner son entourage ?

Las ! il semblerait qu'en la matière il y eût encore beaucoup à faire. Dieu sait pourtant que la grammaire s'était, pour une fois, montrée bonne fille. Certes, l'inversion du sujet, tour emblématique de ladite interrogation, conserve sa préférence (« A-t-il sa chance ? », « Ce candidat a-t-il sa chance ? »), comme d'ailleurs celle de l'écrit et de la langue surveillée. Mais on la sait largement concurrencée par un est-ce que qui nous épargne cette inversion un tantinet guindée (« Est-ce que ce candidat a sa chance ? »). On va même, se bornant à la traiter de familière, jusqu'à fermer les yeux sur une troisième voie, laquelle, à l'écrit, ajoute un point d'interrogation sans rien modifier à la phrase affirmative pour, à l'oral, miser sur la seule intonation (« Ce candidat a sa chance ? »). Que pourrait demander de plus le peuple ?

Eh bien, il faut croire (et c'est là une leçon que devraient méditer tous ceux qui veulent à tout prix réformer notre langue en la simplifiant à l'extrême) que, quand il n'y a pas de difficultés, on s'en crée ! Qu'avons-nous entendu, en effet, il y a quelque huit jours, sur le plateau d'une émission de CNews qui entendait faire de la place aux idées ? un journaliste poser à son invitée la question suivante : « Est-ce que la chasse, en tant que telle, est-elle aussi anti-écolo qu'on veut bien le dire ? »

Chacun aura compris que c'était là trop d'une inversion. Si l'on opte pour est-ce que, celle qui suit n'a plus lieu d'être : « Est-ce que la chasse, en tant que telle, est aussi anti-écolo qu'on veut bien le dire ? » On ne peut, c'est bien connu, réclamer à la fois le beurre et l'argent du beurre (aller plus loin dans la formule ne serait guère séant) ! Cette incongruité ne s'en répand pas moins (à l'oral surtout, mais aussi à l'écrit), comme en témoigne cette question angoissée repérée, sur la Toile, dans les colonnes du site Actu Chartres : « Covid-19. Où est-ce que le masque est-il toujours obligatoire en Eure-et-Loir ? »

C'est qu'on finirait par le porter sur les yeux, pour ne plus voir de telles monstruosités !