Un trait d'union...
qui ne fait pas
pour autant l'unanimité !

< dimanche 13 juin 2021 >
Chronique

Nombreuses ont été les réactions à notre chronique sur le stade Roland-Garros. Si d'aucuns ouvrent des yeux ronds, d'autres préfèrent les fermer devant ce trait d'union qu'ils ne sauraient voir...

Nous nous attendions à l'un et à l'autre. Voilà une règle que beaucoup connaissent d'autant moins qu'elle est, on l'a dit, en voie de disparition. Il en est pourtant qui en ont eu vent, mais ne l'appliqueraient pour rien au monde. C'est qu'ils trouvent inesthétique ce trait d'union dont la nouvelle orthographe a cherché à réduire l'influence (tout en le multipliant jusqu'à plus soif — ô paradoxe ! — dans la graphie des numéraux) ; peu fondé, aussi : pas question, peste un contestataire, de « légitimer le grégarisme illogique » !

On s'attendait moins à une rencontre d'un troisième type. Par exemple, à ce lecteur qui a toujours cru que ledit trait d'union ne s'appliquait qu'à ceux qui nous avaient quittés : oui au tournoi de Roland-Garros, non (pour l'heure, du moins) à un stade Didier-Deschamps ! Mais ce serait soumettre la grammaire à des variations saisonnières, et l'on ne se souvient pas que la place du Général-de-Gaulle, à Lille, ait eu à refaire ses plaques en 1970... Quant à la Banque de dépannage linguistique du Québec, elle souligne que le trait d'union est de rigueur, « que la personne soit décédée ou non ».

Il entre d'ailleurs dans les attributions du trait d'union de faire ressortir d'utiles distinguos sémantiques ou syntaxiques, lesquels, jusqu'ici, n'ont jamais été remis en cause : c'est ainsi que sainte Cécile (sans trait d'union) est fêtée le jour de la Sainte-Cécile (avec) ; qu'un chapeau haut de forme (adjectif) devient un haut-de-forme (nom) ; qu'une petite fille (par la taille) se mue en petite-fille pour papy et mamie. Inutiles, ces nuances ?

Remarquons enfin, et pour revenir à nos moutons qui ne sont pas nécessairement de Panurge, que le trait d'union, en faisant du prénom et du patronyme (du grade aussi) une seule entité, les soudant dans une sorte de mot composé, avait des répercussions non négligeables sur le rang alphabétique en usage dans les annuaires de rues. C'est en effet à la lettre P (et non C) que nous devions chercher l'avenue Pierre-Curie. Et c'est toujours le cas aujourd'hui, alors même que, dans nombre d'index, le trait d'union a été supprimé. Se trouvera-t-il quelqu'un pour prétendre que la logique en sort grandie ?