D'un seul trait,
de Roland Garros à... Roland-Garros !

< dimanche 6 juin 2021 >
Chronique

Pourquoi diable, nous demande un lecteur, Roland Garros se pare-t-il d'un trait d'union dès que l'on évoque le tournoi qui porte son nom ? Il n'est pourtant pas d'usage entre un prénom et un patronyme !

Déjà que l'on peine à comprendre pourquoi on a donné au stade que l'on sait le nom d'un aviateur, autrement rompu au maniement de la mitrailleuse qu'à celui de la raquette : à ses heures perdues même, ce sportif accompli n'a jamais pratiqué le tennis qu'en amateur, préférant s'illustrer au football, au rugby, voire sur un vélo ! C'est Émile Lesieur qui, en 1928, imposa pourtant le nom de son ex-condisciple à HEC, tombé au combat dix ans auparavant. Il faut dire que le président du Stade français avait des arguments sonnants et trébuchants : c'est lui qui finança la construction de l'enceinte, destinée à accueillir les épreuves de la coupe Davis que venaient tout juste de remporter nos Mousquetaires !

Mais revenons à la question du jour, pour laquelle il n'est nul besoin d'évoquer la moindre diablerie : rien que l'application pure et dure d'une tradition grammaticale qui veut que l'on mette un trait d'union au nom donné à des voies (rue, place, pont...), à des établissements publics (école, lycée, hôpital, théâtre...), ou encore à une fête, un navire, une agglomération, un département, etc. Rien d'étonnant, donc, si l'intéressé a d'abord donné son nom au stade « Roland-Garros ». Ensuite, l'épreuve, officiellement appelée « Internationaux de France », a pris, par métonymie, le nom du stade, en conservant le trait d'union y afférent.

Voilà pourquoi votre serviteur se voit depuis toujours adresser son courrier (ou ce qu'il en reste, depuis l'avènement d'Internet) « avenue Pierre-Curie ». Il mentirait en prétendant que le trait d'union réglementaire figure toujours sur l'enveloppe, mais cet oubli est peu de chose en regard de la propension de certains à ajouter un doigt de piquant en écrivant plutôt... Curry !

Force est néanmoins de reconnaître que la tradition a du plomb dans l'aile : André Jouette remarquait déjà dans son TOP (Toute l'orthographe pratique) qu'un préfet de la Seine avait proscrit cet usage qu'il trouvait désuet. La Poste ne l'encourage pas davantage, soucieuse de ne pas compliquer la lecture automatique de l'adresse : même la virgule après le numéro, pourtant exigée par la grammaire, est aujourd'hui déconseillée par l'administration. Vous l'aurez compris : tout fout le camp, sauf la terre battue !