En grammaire, n'ayons garde
de dire « toujours » ni « jamais » !
Ces chroniques dominicales (du moins, nous l'espérons) ont vocation à dissiper vos doutes. Il n'est cependant pas rare que, pour rassurer sur un point, elles inquiètent sur tel autre...
Ainsi, la semaine dernière, combien de lecteurs se seront récriés en découvrant la légende de l'illustration : « D'aucuns se sont vu... interdire d'ouvrir leurs portes » ? Ne se sont-ils pas... entendu expliquer (tiens, voilà que ça recommence !) sur les bancs de l'école (du moins ceux qui, comme l'auteur de ces lignes, sont suffisamment âgés pour avoir connu une époque où l'orthographe était érigée en cause prioritaire de l'Éducation nationale) que le participe passé d'un verbe s'accordait toujours avec son sujet dès lors qu'il se conjuguait avec l'auxiliaire être ?
S'il est, en effet, une règle que les Français ont retenue (on dit de nos jours « imprimée »), c'est bien celle-là. Las ! il en va de la grammaire comme de la recherche scientifique : les certitudes du jour ne sont pas nécessairement celles du lendemain. Ladite règle reste valable, bien sûr, mais elle s'arrête au seuil des verbes pronominaux, lesquels n'y obéissent pas tous, il s'en faut. Que l'on songe à ces mois de galère qui se sont succédé depuis le printemps 2020, à Emmanuel Macron et à Vladimir Poutine qui se sont téléphoné récemment, à tous ces gens qui ne se sont plus serré la main depuis longtemps. Autant de participes qui, conjugués avec être, n'en restent pas moins invariables, ces pronominaux-là, plutôt enclins à fonctionner comme si l'auxiliaire était avoir, ne daignant s'accorder qu'avec un COD, et encore : pour peu qu'il les précède ! Ce qui n'est le cas dans aucun des trois exemples susmentionnés : on succède et on téléphone toujours « à » quelqu'un ; quant à la main que l'on peut effectivement serrer, elle suit le participe, ce qui la met hors jeu plus sûrement encore que les attaquants français devant l'Ukraine !
Pour en revenir à notre légende, le participe ne s'accorde que quand son sujet est le même que celui de l'infinitif qui le suit : « elle s'est sentie défaillir quand on l'a piquée » (c'est bien elle qui défaille), mais « elle s'est vu fixer un rendez-vous en vue du rappel ». Ce n'est pas elle qui le fixe, on le lui fixe... à condition que les doses arrivent (air connu).
On vous l'accorde : la grammaire n'est pas simple. Mais quand on voit le reste...