Il était une fois des élèves...
que l'on pouvait arroser !
Il ne faudrait pas pousser beaucoup l'auteur de ces lignes pour qu'il regrettât, en ces jours où respect et autorité se font rares, l'effacement du couple emblématique que constituaient autrefois le maître et l'élève.
Si le premier a quasi disparu (hormis dans la bouche de tout-petits restés, via leurs parents nostalgiques, fidèles à la « maîtresse »), le second résiste encore un peu, au grand dam d'une rue de Grenelle encline à substituer à ce vestige de l'école d'hier un duo moins hiérarchisé, celui que composent, à égalité de suffixe, l'enseignant et... l'apprenant. On peut s'en émouvoir, la transmission du savoir n'ayant jamais rien eu de honteux, il s'en faut. Quant aux inconsolables de l'âge d'or (nous en fûmes, pourquoi ne pas l'avouer ?), ils ne manquent pas une occasion de rappeler ce que ce terme d'élève portait de beau et de noble en lui : n'était-il pas question de tirer l'intéressé vers le haut, de l'amener à son plein développement physique, intellectuel et moral ?
On en voudrait presque à Jean Pruvost, dans son dernier ouvrage (L'École et ses mots), de nous ramener sur terre et ce, dans tous les sens du terme : avant de s'appliquer, au XVIIe siècle, à une « jeune personne fréquentant l'école », l'élève, alors nom féminin, faisait surtout, pour ne pas dire exclusivement, dans le végétal et l'animal ! Il ne s'agissait que de bien faire croître les plantes et d'élever les animaux comme il fallait. Un synonyme d'élevage, en quelque sorte... Quand on songe que nombre de profs s'offusquent aujourd'hui de voir, par temps de confinement notamment, leur mission réduite à une simple garderie, on imagine leur tête à l'idée que l'on ait pu, jadis, tailler et arroser ses élèves, sans y voir brimade ni rite de bizutage !
Mais la quête de notre professeur émérite de lexicologie ne se borne pas à cette provocation initiale : du pion au potache, du buvard au cartable, du chahut à la colle, tous les vocables maison se voient tour à tour convoquer à la barre de ce dictionnaire pas comme les autres, pour une démystification souvent jubilatoire, instructive toujours. Mettez-y seulement le nez, court ou non, et c'est la face de l'école qui s'en trouvera changée à vos yeux. Alors courez-y vite, avant que ce bonheur-là ne file comme tant d'autres... ou que le protocole sanitaire ne soit revu à la hausse !
L'École et ses mots, par Jean Pruvost (éd. Honoré Champion) ; 326 p., 19 €