« À date », le tic de langage
propre à ces temps incertains...
Il faut comprendre ceux qui nous gouvernent : ce qu'ils nous annoncent risquant d'être contredit dans les heures qui suivent, en fonction de l'évolution de l'épidémie, mieux vaut faire preuve de prudence...
Dans un contexte aussi précaire, la locution à date, coqueluche de la novlangue depuis quelques années, tend évidemment à faire florès dans notre microcosme politique. Notre ministre de la Santé, Olivier Véran, s'en montre en tout cas particulièrement friand : « À date, il n'y a pas lieu de basculer » (1er octobre 2020) ; « Il y a, à date, trois laboratoires qui ont fait état de données intéressantes » (26 novembre 2020) ; « Des décisions seront annoncées dans le courant de la semaine prochaine, lorsque nous aurons les informations à date » (30 décembre 2020) ; « Ce qu'on sait à date, c'est que le virus paraît plus contagieux effectivement chez les enfants » (14 janvier 2021) ; « Je ne sais pas si à date ces vaccins préservent de la contamination ou uniquement des formes graves » (27 janvier 2021).
Et en français, qu'est-ce que ça veut dire au juste ? quelque chose comme « en ce moment », « à ce jour », « à l'heure où je parle ». On n'est pas si loin du fameux « instant T », qui a connu, lui aussi, son heure de gloire ! Mais comme, à ce niveau d'utilisation, la locution relève bien plus du tic de langage et de l'expression « qui va bien » que de la véritable information, rien ou presque ! Tout au plus témoigne-t-elle, encore une fois, de notre volonté plus ou moins subliminale d'assurer nos arrières... pour le cas où les faits nous donneraient tort !
Renseignements pris, les Québécois ne seraient pas pour rien dans l'éclosion de cette nouvelle mode, digne des glorieux aînés que furent naguère les « C'est pas évident ! », les « Pas de souci ! » ou encore les « Pour le coup ». Soit dit en passant, ils n'auraient fait là que recycler l'expression anglaise to date. Voilà peut-être l'occasion ou jamais (à quelque chose malheur est parfois bon) de cesser de nous flageller en citant continûment en exemple nos cousins d'Amérique du Nord, réputés plus soucieux que nous de la pureté de la langue française.
Que l'on ne nous fasse pas dire ici ce que nous n'avons pas dit : c'est loin d'être toujours faux. Mais, pour stigmatiser nos anglicismes, ils n'en ont pas moins les leurs... et ne dédaignent pas, à l'occasion, de nous en faire profiter !