Avec le marron,
l'usager du français
n'a pas fini de boguer !
S'il est un fruit retors, c'est bien celui-là : n'est-il pas régulièrement à l'origine de fautes en tous genres, qu'il s'agisse d'orthographe, de grammaire, voire — plus grave encore — de sens ? Revue de détail.
D'abord, et une lectrice le reprochait à son journal préféré il y a quelques semaines à peine, cette manie que nous avons de mettre l'expression tirer les marrons du feu à toutes les sauces, au point souvent de dire le contraire de ce que nous pensons. Elle est moins synonyme, répétons-le, de roublardise ou d'intelligence tactique que de naïveté, celui qui agit de la sorte ayant — restons logiques ! — toutes les chances de se brûler pour le seul profit de celui qui viendra ensuite s'en régaler. Le Singe de La Fontaine ne s'y trompait pas, qui préférait confier l'ingrate tâche... au Chat. N'allons donc pas confondre cette locution avec tirer son épingle du jeu !
Mais le côté obscur du marron ne s'arrête pas là, il s'en faut. C'est que ce faux frère, en tant qu'adjectif, joue les caméléons plus souvent qu'à son tour : invariable quand il désigne une couleur (on parlera de « sacs marron » parce qu'ils sont « de la couleur du marron »), variable quand il sera question d'« esclaves marrons » (en fuite), ou d'« avocats marrons » (qui exercent en toute illégalité). Bref, si nous ne réfléchissons pas, vous et moi, au sens du mot que nous utilisons, nous risquons fort de nous retrouver... marron (invariable, celui-là, si l'on en croit l'Académie !).
N'allez pas croire que le bât blesse seulement pour l'accord. Il faut encore se souvenir que le marronnier cher à l'argot journalistique prend non seulement deux « n », mais aussi deux « r ». Rien que de très normal, quand on y réfléchit, puisque ce « sujet rebattu qui réapparaît à date fixe » doit son nom à la floraison des marronniers d'Inde, à chaque printemps. Ce n'est pourtant pas gagné, quand on connaît la répulsion naturelle du Français moyen à caser plus d'une consonne double au sein d'un seul et même mot ! Quand on sait, aussi, que le verbe maronner (« grogner », « rouspéter ») n'en prend qu'un, lui, n'ayant rien à voir, pour l'étymologie, avec le marron qui nous occupe.
Mais brisons là, de peur que vous ne colliez à cet empêcheur d'écrire en rond une châtaigne en bonne et due forme ! Dans ce cas, n'oubliez surtout pas l'accent circonflexe (sur châtaigne, et non sur due)...