Le vaccin en France :
de l'amour fou à l'amour vache

< dimanche 22 novembre 2020 >
Chronique

C'est le mot de la semaine, du mois, pour ne pas dire de l'année : la récente annonce d'un possible vaccin contre le coronavirus a suscité dans l'Hexagone enthousiasme, espoir... mais aussi prudence et défiance !

Rien d'étonnant à cela : la diligence inhabituelle dont, pour la circonstance, ont dû faire preuve les chercheurs vient là épicer une polémique qui ne date pas d'hier. Il n'est que de parcourir la Toile pour vérifier qu'il est peu de sujets sur lesquels on échange autant de vacheries ! L'étymologiste nous dira que c'est dans l'ordre : le mot lui-même, on ne s'en souvient pas toujours, doit tout à la « vaccine », maladie de la gent bovine qu'un certain Jenner, médecin au pays du rosbif, inocula à l'homme pour le préserver de la variole.

Loin de nous l'idée de souffler sur les braises du barbecue : nous nous bornerons à constater que la pratique de la vaccination s'est imposée assez pour abreuver notre lexique d'acceptions figurées. On se dit par exemple « majeur et vacciné » dès que l'on se juge assez grand pour prendre ses responsabilités — ce qui peut surprendre, vu l'âge, de plus en plus précoce, des injections...

Autre avatar de ladite vaccination dans nos discours : la fameuse « piqûre de rappel », dont usent volontiers les exégètes de l'actualité pour qualifier toute grève signifiant à des gouvernants enclins à l'oubli que la paix sociale demeure précaire !

Mais la preuve la plus flagrante de l'influence de la vaccination sur nos métaphores communes reste le joli « virer sa cuti ». Si le commun des mortels devine sans trop de peine qu'il est là question de retourner sa veste (voire, pour Robert, de « changer d'orientation sexuelle »), il est moins sûr que la génération d'aujourd'hui rattache spontanément la chose au BCG de naguère : seuls les plus de soixante-cinq ans se souviendront probablement de cette cuti-réaction qui, bien avant l'appli TousAntiCovid, révélait un contact récent avec le... bacille de Koch, les faisant basculer dans le camp des « positifs ».

N'allons pourtant pas faire preuve d'un zèle intempestif ! Si l'immunité parlementaire et celle de Koh-Lanta ont vu le jour après les travaux de Pasteur, elles ne leur doivent rien : elles remontent au latin immunitas, qui s'appliquait déjà à une dispense de charge (munus) et d'impôt. Il fut donc un temps, on le voit, où l'économique primait sur le sanitaire.