« Quoiqu'il en soit »
ou « quoi qu'il en soit » ?
Histoire d'un... couac !

< dimanche 19 avril 2020 >
Chronique

Des discours du chef de l'État il reste souvent une formule choc, reprise jusqu'à plus soif par les médias. Le mois dernier, c'est un « quoi qu'il en coûte » inhabituel dans sa bouche qui avait défrayé la chronique.

La chose peut se comprendre, l'intéressé s'étant surtout signalé, jusque-là, par son peu d'empressement à dépenser « un pognon de dingue » ! Ce qui se comprend moins, c'est la façon dont il a été rendu compte de ce revirement : ce sont des « quoiqu'il en coûte » qui ont fleuri un peu partout, sur les sites de distinguées radios d'abord (Europe 1, RTL, France Info, France Inter, voire (horresco referens !) France Culture, ensuite de la presse écrite (Le Figaro, Le Point... et nous ne prétendrons pas que votre journal préféré ait toujours été, dans cette affaire, blanc comme un comprimé de chloroquine !).

Il s'en trouvera pour se récrier : un ou deux mots, pas de quoi fouetter un chat ! Eh bien, si, parce que le sens est loin d'être le même. Quand M. Macron annonce que « Quoi qu'il en coûte, la priorité de la nation est notre santé », il réaffirme que rien n'est plus important que cette dernière : ça coûtera donc ce que ça coûtera ! Soudez les deux mots (quoiqu'il en coûte), et notre président, en ex-banquier qui se respecte, n'est pas loin de déplorer — en tout cas il lui en coûte ! — que le sanitaire doive ainsi prendre le pas sur l'économique. Le penser, pourquoi pas ? Mais l'avouer au pays, ce serait une faute politique majeure.

Nous en entendons d'ici pester contre une langue par trop subtile, mais ne siérait-il pas plutôt de louer sa précision ? Un espace oublié (une espace oubliée, ce nom étant féminin en typographie), et la face du discours s'en trouve changée ! Raison de plus pour tirer sur cette bonne vieille ficelle : la soudure n'est requise que si est possible le remplacement par bien que. On est fondé à écrire « Quoiqu'il ait parlé longtemps, on a bu ses paroles », puisqu'on peut dire « Bien qu'il ait parlé longtemps... ». En revanche, « Bien qu'il dise, on reste sceptique » ne se pouvant (Bien qu'il dise quoi ?), c'est « Quoi qu'il dise » (quelles que soient les choses qu'il dise) qu'il faut écrire.

Le hic, c'est que la substitution de bien que était ici moins inconcevable qu'ambiguë. Mieux aurait valu parler comme Gérald Darmanin : « Quand la maison brûle, on ne compte pas les litres d'eau pour éteindre l'incendie ! »