Les scènes de ménage,
principal ingrédient de
« Scènes de ménages »
La nuance n'aura pas nécessairement sauté aux yeux de tous ceux qui, chaque soir, s'installent religieusement devant leur (plus ou moins) petit écran pour suivre l'une de leurs séries préférées.
Combien sont-ils, en effet, à s'être interrogés sur la validité de ce « s » qui clôt, dans le titre, le mot ménage ? La question n'aurait pourtant rien de superflu. Quand la scène de ménage est prise dans son sens le plus courant, à savoir « violente dispute dans un couple », est seul censé varier le premier terme de l'expression (scène), jamais le second. Compte tenu des échanges plutôt vifs auxquels donnent lieu la plupart des scénarios imaginés par les auteurs (sans parler des transitions, plus musclées encore puisque l'on s'y balance littéralement tout ce qui est à portée de main), gageons que les téléspectateurs attentifs et soucieux de la grammaire française auront d'abord conclu à la faute !
Pour se demander ensuite si, une fois n'est pas coutume aux étranges lucarnes, ce pluriel improbable n'en était pas moins voulu. Dès lors, on ne mettrait plus l'accent, fussent-elles légion, sur les algarades précitées, la scène reprendrait un sens plus général et plus neutre à la fois, et le pluriel de ménage soulignerait que l'on passe sans cesse d'un couple à un autre, sans que lesdits couples se rencontrent jamais. Après tout, il arrive aussi — ô miracle ! — que l'idylle soit au rendez-vous. Le pire, heureusement, n'est pas toujours sûr...
Il est des règles qui paraissent autrement accessibles quand on les aborde par le versant de la réalité la plus quotidienne. Rien ne dit que celle qui régit le choix du nombre après la préposition de apparaisse toujours limpide aux profanes : singulier quand l'emporte l'idée d'unicité (« des chefs de gare », chaque chef ne dirigeant qu'une gare) ou de généralité (des « toiles d'araignée »), pluriel pour peu que l'on considère la diversité du détail (des « peaux de bêtes ») ou que le sens le réclame (des « manques d'égards », puisque l'on a de toute évidence des égards pour quelqu'un).
Mais rien ne parlera davantage à l'usager que d'opposer les « villes d'eaux » aux « cours d'eau », les « brochettes d'alouettes » aux « brochettes d'agneau »... et, ici, les « scènes de ménages » où l'on se donne du chaton et du doudou aux « scènes de ménage » où l'on se lance des noms... d'oiseaux. Pour une fois, merci la télé !