Ne vous laissez pas escroquer
par le verbe « extorquer » !
Si l'on en croit notre confrère Le Point, Neymar, accusé de viol par une de ses compatriotes brésiliennes, aurait exprimé « sa tristesse de voir qu'il y a des gens qui veulent profiter des autres et les extorquer ».
Pour être tout à fait honnête envers le confrère en question — l'un de ceux qui, osons le dire, traitent d'ordinaire la langue française avec le plus de respect —, voilà une erreur qu'il n'est pas, il s'en faut de beaucoup, le seul à commettre. C'est qu'on n'« extorque pas Neymar ». On peut « lui extorquer de l'argent » (d'autant qu'il semble avoir du répondant). « Sa signature », aussi (de préférence au bas d'un contrat généralement juteux). Un journaliste particulièrement habile parviendra peut-être même à « lui extorquer l'aveu » qu'il en rajoute parfois dans la simulation et la pirouette. Mais on ne saurait « extorquer Neymar », ni personne d'autre d'ailleurs, pour la bonne et simple raison que ce verbe signifie « arracher », « soutirer », « obtenir par la force, la menace ou la ruse ».
Il y a gros à parier que le traducteur a confondu là avec escroquer, lequel a un air de famille et partage les mêmes terrains de jeu. Si, tout comme extorquer, ce dernier veut dire « s'emparer de quelque chose d'une façon frauduleuse » (le Petit Larousse, qui semble pour la circonstance avoir revêtu son gilet jaune, parle d'« escroquer des milliers d'euros à des petits épargnants »), il peut aussi signifier, lui, « dépouiller quelqu'un de son bien en le bernant ». Rien ne s'oppose donc — linguistiquement parlant, du moins — à ce que l'on « escroque » ce pauvre Neymar !
C'est là, profitons de l'occasion pour le redire, l'éternel problème de la paronymie (entendez de la « ressemblance entre des mots dont les sens n'ont pourtant rien de commun »). Gardons-nous bien, par exemple, de nous « répandre en conjonctures » sur la « conjecture internationale », de « faire éruption » dans une pharmacie pour acheter de quoi soigner « une irruption de boutons », ou, plus cocasse encore si c'est possible, de « circoncire » un incendie qui se contentait jusqu'alors d'être... « circonscrit ».
Quant à notre star du ballon rond, gageons qu'elle préférera toujours être « sélectionnée » dans l'équipe nationale plutôt que de se faire « sectionner » sans vergogne par la défense adverse !