Participe passé (4) :
et les pronominaux, dans tout ça ?
Quand il est question d'accord du participe passé, les pronominaux sont dans toutes les têtes : ceux-là, force est de le reconnaître, constituent pour tout francophone qui se respecte l'épouvantail absolu de notre grammaire...
Paradoxalement, on n'en a guère parlé dans la crise que nous évoquons. Non qu'une simplification dans ce domaine risque l'impopularité, il y a même gros à parier qu'elle susciterait moins de réprobation que les reports récurrents de l'âge du départ à la retraite ! Mais plus vraisemblablement parce que les réformateurs savent d'expérience qu'avec ces Gaulois réputés réfractaires au changement mieux vaut procéder « step by step », comme on dit en français d'aujourd'hui.
Il est pourtant clair comme de l'eau de roche que ne plus se soucier de la place du COD quand le participe est conjugué avec avoir devrait inéluctablement conduire à s'en soucier moins encore quand il l'est avec être — cas, faut-il le rappeler, de tous les verbes pronominaux.
Le seul mètre étalon de ce nouveau monde grammatical devenant l'auxiliaire, plus question en effet de distinguer le pronominal pur et dur de celui qui ne l'est qu'accidentellement : les pacifiques mamies qui se sont servi du thé (elles s'en sont versé) seraient ipso facto assimilées à celles, autrement malintentionnées, qui s'en sont servies (elles en ont tiré parti) pour empoisonner leurs maris !
Passons sur d'autres incohérences que ce simplisme échevelé risque d'engendrer. Gageons qu'il faudrait dorénavant écrire « Ils se sont souris » et « Ils leur ont souri » alors que, là comme ici, on sourit à quelqu'un, et que se et leur ont exactement la même fonction — complément d'objet indirect — au sein de la phrase. Aussi bien, peu importe, puisqu'il ne s'agit plus de réfléchir à ce que l'on écrit, mais d'écrire en réfléchissant le moins possible !
Ne parlons pas davantage des révisions déchirantes auxquelles seraient contraints les réformateurs eux-mêmes. Voilà des décennies qu'ils s'ingénient à rendre toujours invariable le participe laissé quand il est suivi d'un infinitif, faisant fi de la différence entre « Elle s'est laissée mourir » (c'est elle qui meurt) et « Elle s'est laissé insulter » (on l'insulte). C'est probablement l'accord dans tous les cas que l'on prônerait désormais, afin de ne pas créer d'exception à une règle tout juste sortie des limbes !