Petite chronique (douce-amère)
de l'anglomanie ordinaire...
Si nous ne sommes pas nécessairement de ceux qui s'emportent à la moindre intrusion dans nos phrases d'un vocable anglo-saxon, force est d'avouer malgré tout qu'il est des cas qui déconcertent plus que d'autres.
Il y a quelque trois semaines, grand avait été notre étonnement d'entendre, sur le plateau de 20 h Foot, une présidente de club exprimer son agacement : au lieu d'envoyer un message de soutien, à l'occasion de la finale de la Ligue Europa, au club dont il avait été exclu pour avoir agressé un supporteur, l'ancien Marseillais Patrice Evra eût mieux fait, expliquait-elle, de la jouer « low profile ». Le tour ressemble tant à notre profil bas que, la surprise passée, notre compréhension n'en avait guère souffert. Assez, toutefois, pour que nous nous demandions quel avantage il y avait à user d'une locution anglaise puisque l'on s'adressait là, pour l'essentiel, à des consultants et téléspectateurs francophones. L'argument, si souvent avancé, de la concision ne semblant pas pertinent ici !
Nous étions à peine remis que, dans les jours précédant la fête des Mères, atterrissait sur notre écran d'ordinateur une publicité pour les magasins Le Printemps : NOS IDÉES CADEAUX LAST MINUTE. On nous dira peut-être que le temps devait tellement presser que l'on n'avait pas cru devoir cracher sur la syllabe que faisait, cette fois, économiser la version anglaise. Pas sûr, cela dit, que cela rende le moral aux défenseurs du « parler françois » ! Les plus remontés, c'est à craindre, se seront dit que, puisque c'était comme ça, il ferait chaud avant qu'ils ne remissent les pieds au... Spring !
Mais le meilleur était à venir, le matin de ladite fête des Mères, sur RTL. Bernard Poirette y recevait celui qu'il appelle « le bon docteur Saldmann », lequel venait souligner l'importance du sommeil. L'argument était massue : des nuits blanches répétées feraient le lit de la maladie d'Alzheimer ! Et voilà ce que l'on entendit sur la première radio de France : « Il y a une étude très importante qui vient d'avoir lieu aux États-Unis où ils mettent vraiment un warning sur le fait que manquer de sommeil est en lien avec la perte de neurones dans le cerveau. »
Était-il inconcevable d'« avertir que » ? Quel plaisir peut-on trouver à user d'un mot anglais quand ni le style, ni la concision, ni l'efficacité n'y poussent ? Vous avez dit snobisme ?