De l'homicide au féminicide,
une langue sans cesse
en quête de précision...

< dimanche 4 février 2018 >
Chronique

S'il n'est pas encore chez Larousse, il est déjà chez Robert. Mais que signifie au juste ce mot « féminicide », que vient d'employer la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa ?

C'est là que le bât blesse avec les néologismes : tant qu'ils restent des SDF (entendez des « sans dictionnaire fixe »), on peut leur faire dire tout et n'importe quoi ! Leur entrée en grande pompe dans le lexique ne résout pourtant pas tous les problèmes, il s'en faut. Pour première acception, même s'il souligne sa rareté, Robert propose « qui tue une femme ».

D'aucuns se demanderont ce que le mot peut apporter, dans ce cas, à notre traditionnel homicide : rappelons qu'il a toujours été question, en l'occurrence, de tuer un être humain, sans distinction aucune de sexe, et non, les apparences fussent-elles trompeuses, un mâle ! Au nom même de l'égalité réclamée à cor et à cri par les féministes, ne serait-on pas, dès lors, fondé à se récrier contre ce distinguo bien inutile ?

Le second sens avancé par Robert est sûrement plus proche de ce que Marlène Schiappa avait en tête quand elle a cru devoir intervenir dans l'affaire Alexia : « meurtre d'une femme, d'une fille en raison de son sexe ». Renseignements pris, la première apparition du terme daterait de 1975, sous la plume d'une certaine Diana Russell : il ne serait plus question de n'importe quel meurtre de femme, seulement de celui qui s'inscrit dans un contexte sociétal. La femme serait alors tuée parce qu'elle est une femme, et que son bourreau s'imagine avoir des droits sur l'être inférieur qu'elle représente à ses yeux. La notion a d'ailleurs toute sa place dans le droit de plusieurs pays d'Amérique latine, où ce type de meurtre n'est que trop courant. Elle serait a fortiori indiquée si c'est une féministe que l'on assassine pour ses idées.

Ce néologisme semble donc autrement pertinent que le « sororicide » évoqué à l'occasion du congrès de Reims du PS, lequel avait vu s'entre-déchirer, en 2008, Martine Aubry et Ségolène Royal. Force est d'admettre que l'on ne sera jamais assez précis quand il s'agit de qualifier un crime, pour le mieux juger. Cela dit, à cette aune, et au rythme où les porcs se font balancer, il faudra bientôt songer à baptiser l'assassinat d'un machiste, avec ce que cela suppose de circonstances atténuantes. « Viricide » ?