« Dis-moi dix mots » 2017 : s'il te plaît,
dessine-moi un monde... en français !
La Semaine de la langue française et de la francophonie donne, cette année, dans le numérique : du 18 au 26 mars, on va faire semblant de croire que l'anglais, sur un Web que l'on a rebaptisé Toile, est tout sauf une fatalité...
La désormais fameuse liste des dix mots autour desquels tout est censé s'organiser taille en effet des croupières à quelques anglicismes qui se sont installés comme chez eux dans nos habitudes langagières. Comment ne pas préférer au hacker ce pirate, autrement poétique, qui fleure bon les exploits du chevalier de Hadoque ? D'autant que rien ne nous oblige, la nature n'ayant pas moins horreur du plein que du vide, à lui adjoindre l'adjectif informatique, le contexte suffisant à la compréhension. Mais le fait que le Petit Larousse ait déjà francisé le mot en hackeur n'est-il pas révélateur du peu de crédit que l'on accorde, dans le milieu, à cette substitution ?
Le smiley (cette « association de caractères typographiques évoquant, dans un message électronique, un visage expressif ») ne s'en étant pas laissé conter jusqu'ici par notre frimousse, le combat s'est visiblement déplacé sur le terrain voisin de l'émoticône, avec des chances bien plus grandes de réussite. Ne s'est-on pas borné, en l'occurrence, à calquer le mot-valise français (émotion + icône) sur l'anglais (emotion + icon) ? Plus proche de l'original, tu meurs ! Cela dit, il faut croire que nous avons en France un talent certain pour nous tirer une balle dans le pied tout juste plâtré puisque, si Larousse opte pour le féminin émoticône, avec accent circonflexe, Robert, lui, propose en entrée le masculin émoticone, sans accent circonflexe. Un minimum de concertation n'eût pas été du luxe mais, au royaume de la lexicographie, cela revient à parler de corde dans la maison d'un pendu.
On louera enfin la créativité de nos cousins québécois qui, pour contenir le phubbing (« consultation sans-gêne de son ordiphone en présence de tiers ») viennent d'inventer télésnober. Le premier qui fera remarquer que snober est lui-même un pur produit d'Albion a perdu.
N'est-ce pas pourtant la francophonie qui a d'ores et déjà, et quoi qu'on fasse une semaine sur cinquante-deux, perdu la guerre dès lors que notre tour Eiffel célèbre dans tous les azimuts le « made for sharing » ? « For shaming », ont corrigé d'aucuns... Qui leur donnera tort ?