Le prédicat :
chaînon manquant ou maillon faible ?

< dimanche 29 janvier 2017 >
Chronique

Difficile, pour un chroniqueur de langue, de ne pas revenir sur la tempête qu'a récemment déchaînée l'introduction du prédicat dans les programmes scolaires. Dans la mesure du possible, en dépassionnant le débat...

Ce ne sera pas du luxe ! Les détracteurs du bidule n'ont pas manqué de crier à la disparition du COD, voire à une nouvelle manifestation du décervelage ambiant. On a même fait de lui la énième trouvaille d'une « novlangue » pédagogique qui, il faut l'avouer, n'en serait pas à son coup d'essai.

L'objectivité oblige à admettre que ce prédicat-là n'est pourtant pas (et tant pis pour le pléonasme !) un « perdreau de l'année ». Aristote le connaissait — c'est même lui qui l'aurait inventé ! Quant au sexagénaire que je suis, il se souvient qu'il sévissait déjà dans les amphithéâtres du temps de ses humanités. En outre, si l'on accorde foi aux déclarations d'intention, COD et COI n'ont pas disparu, la découverte de ceux-ci est seulement remise à plus tard. Cela dit pour ne pas donner dans des excès que l'on sait insignifiants !

Sur le papier, ladite intention est louable. Il s'agit de permettre à nos chères têtes blondes de mieux appréhender la structure de la phrase en s'en tenant à ses éléments constitutifs : sujet (ce dont on parle), prédicat (ce que l'on dit du sujet), complément de phrase (ce qui n'est pas indispensable au sens de celle-ci). Ainsi, dans la phrase « Chaque jour, je dévore mon journal », je est le sujet, dévore mon journal le prédicat, chaque jour le complément de phrase. On analysera toujours assez tôt les composantes de ce prédicat, et c'est là que le COD, autrement utile (pour peu que l'accord du participe ne passe pas prochainement à la trappe !), retrouvera sa raison d'être.

Rationnel, comme le furent naguère lecture globale et grammaire moderne ! Pour autant, je ne sache pas que l'une et l'autre aient laissé un souvenir impérissable en matière d'efficacité : quand la maison brûle, n'y a-t-il vraiment rien de plus urgent que de récrire le mode d'emploi de l'extincteur ?

Le prédicat n'est sans doute pas cet épouvantail que nous décrivent certains chats échaudés qui craignent l'eau froide. Mais si ce devait être le seul type de réponse que l'on envisage en haut lieu pour pallier, chez nos élèves, un bagage grammatical en perdition, tout cela risquerait fort d'être cataplasme sur jambe de bois.