Faut-il vraiment jeter le baron
de Coubertin avec l'eau du bain ?

< dimanche 22 janvier 2017 >
Chronique

Branle-bas de combat, il y a peu, du côté des associations de défense et de promotion de la langue française, lesquelles ont de bonnes raisons de redouter que Paris 2024 ne se vende au diable, entendez à l'anglais.

À l'évidence, le slogan de février 2016, bien de chez nous celui-là (« La force d'un rêve »), n'a en rien dissipé les inquiétudes. S'appuyant sur « des informations sérieuses et concordantes », ces associations s'attendent à une anglicisation de la campagne dans la dernière ligne droite et mettent en garde contre toute dérive en la matière : « Mieux vaut, lit-on sous leur plume, Paris en français et sans les J.O. que les J.O. à Paris sans le français et contre le français. »

Aussi bien, le débat n'est pas nouveau et il renaît périodiquement de ses cendres. D'un côté, les pragmatiques, qui pensent que, dans un monde largement dominé par l'anglo-américain, tourner le dos à la langue véhiculaire est le plus sûr moyen de se mettre définitivement hors jeu. Rêver, c'est bien, ironisent-ils, mais l'emporter enfin serait mieux ! Accordons-leur que, quand il importe de convaincre autrui de nous apporter son suffrage, il sera toujours plus efficace de le faire dans une langue qu'il comprend.

Dans le camp d'en face, on se demande pourtant à quoi sert d'accueillir les Jeux si ce n'est pas pour promouvoir, outre le sport, « notre pays », et donc « sa langue et sa culture ». Il est certes émouvant de voir nos champions s'envelopper, après la victoire, dans le drapeau tricolore ou verser une larme pendant La Marseillaise. Il ne faudrait toutefois pas perdre de vue que la langue est, au moins autant que ces deux symboles, un élément constitutif de notre nation, et depuis plus longtemps qu'eux. De même qu'il a pu paraître absurde, pour sauver la chanson française au concours de l'Eurovision, de chanter en anglais, il serait malvenu d'oublier que l'olympisme moderne doit beaucoup à un Français.

Surtout, ce serait un consternant message que l'on enverrait là à la francophonie. Comment espérer persuader nos partenaires de l'universalité de cette langue que nous avons, selon la formule consacrée, en partage si nous n'avons rien de plus pressé que de vendre des Jeux qui aspirent à être français... en anglais ? Ubu, moins mort que Coubertin !