Elle manque de souffle
quand son rival ne manque pas d'air !

< dimanche 18 septembre 2016 >
Chronique

Voilà en effet à quoi risque de se réduire le duel au sommet de la première démocratie du monde, à présent que le récent malaise d'Hillary Clinton, mis sur le compte d'une pneumonie, a fait le tour de la Toile et du globe...

Vous nous direz qu'en France la situation est tout aussi irrespirable : d'un côté un président sortant qui n'est plus en... odeur de sainteté ; de l'autre, un président sorti bien décidé à rentrer, mais que cernent les effluves nauséabonds de l'affaire Bygmalion !

On comprendra que le chroniqueur de langue soit tenté de s'envoler « bien loin de ces miasmes morbides » — Baudelaire, merci pour ce moment de plagiat ! — en se réfugiant dans notre lexique. Las ! lui non plus ne manque pas d'air. On aurait même tendance à lui en insuffler par bonbonnes alors qu'il n'en demande pas tant. Prenez le mot aréopage. Vous savez, cette « assemblée de personnes savantes » qui doit son nom à un tribunal athénien autrefois domicilié sur une colline consacrée au dieu de la guerre, Arès ? Eh bien, plus souvent qu'à son tour, le malheureux a un faux air... d'aéroport dans nos médias : « Un [aéropage] de personnalités », titrent les Dernières Nouvelles d'Alsace ; « Ça fait un homme de moins dans l'[aéropage] des grands capitaines de l'UMP et de l'opposition », lit-on sur le site de BFM TV ; « Les artistes anglo-saxons (...) sont entourés d'un [aéropage] de publicistes », raconte La Dépêche ; « Matteo Renzi (...) a invité un [aéropage] de hauts responsables internationaux », pour France Inter. Et l'on n'a là parcouru que les premières pages sélectionnées par Google !

Pour expliquer ce barbarisme, les hypothèses ne manquent pas. Écoute distraite, prononciation défectueuse, voire les deux : ce ne serait pas la première fois, en témoignent les rémunérer, obnubiler, rasséréner indûment repeints en [rénumérer], [omnibuler] et [rassénérer] ! Plus noble se veut l'alibi étymologique qui justifierait l'erreur par le fait que le tribunal susdit rendait ses arrêts... en plein air. Tout aussi erroné, mais autrement chic !

Cela n'explique pas pour autant que notre aréomètre, lequel mesure la densité des liquides, se mue fréquemment, lui aussi, en [aéromètre] ! On serait donc bien inspiré de se souvenir qu'à prendre de grands airs on court quelquefois le risque de se faire souffler dans les bronches...