Au lendemain du Brexit :
de la sortie des Anglais
à la sortie de l'anglais ?

< dimanche 3 juillet 2016 >
Chronique

Dans les jours qui ont suivi la victoire du « Leave », il aura été plus souvent question des répercussions politiques, économiques et sociales que des linguistiques. Celles-ci seraient pourtant loin d'être anecdotiques...

Si la Commission européenne dispose officiellement de trois langues de travail, l'allemand, le français et l'anglais, on sait que, dans les faits, celui-ci écrase ceux-là. Qu'en sera-t-il à présent que le Royaume-Uni se retire ? On peut en tout cas compter sur les associations de défense du français pour qu'elles s'engouffrent dans la brèche : « Déjà illégitime en son principe, affirment-elles dans un communiqué commun, l’option inavouée en faveur du tout-anglais devient carrément insoutenable dès lors que l’Angleterre a choisi de quitter l’UE » ; le maintien d'un tel privilège, y lit-on encore, « ne pourrait relever que d’un mépris de caste ouvert, insupportable et indéfendable. »

Sur le terrain politique, les extrêmes ont pris les devants : Robert Ménard pour remarquer que l'anglais n'avait désormais plus aucune légitimité à Bruxelles ; Jean-Luc Mélenchon pour souligner qu'il ne peut plus être la troisième langue de travail du Parlement européen. Gageons qu'il en faudra plus pour que l'Europe rompe avec ses (mauvaises) habitudes : on se souvient par exemple que c'est en anglais que le commissaire (français !) Pierre Moscovici avait sermonné notre ministre des Finances à propos de son budget.

Elle ne devrait pourtant pas échapper à d'embarrassantes questions : l'anglais étant la langue officielle du seul Royaume-Uni (l'Irlande a choisi le gaélique, Malte le maltais et Chypre le grec), le parler de Shakespeare (du moins ce qu'il en reste et qui relèverait plutôt du Globish ou du Basic English) n'est plus vraiment chez lui nulle part !

On peut donc s'attendre à de grandes manœuvres de ce côté-là aussi. Faut-il rappeler ce que disait Georges Pompidou : « Si demain, l’Angleterre étant entrée dans le Marché commun, il arrivait que le français ne reste pas ce qu’il est actuellement, la première langue de travail de l’Europe, alors l’Europe ne serait jamais tout à fait européenne. Car l’anglais n’est plus la langue de la seule Angleterre : il est avant tout, pour le monde entier, la langue de l’Amérique. » L'occasion rêvée de revenir aux fondamentaux ? Pour tout dire, on en rêve plus qu'on n'y croit...