Quand le mannequin
se fait épouvantail pour notre grammaire...

< dimanche 8 mai 2016 >
Chronique

Au commencement était la syntaxe, un brin macho, mais la plupart du temps cohérente. Et puis est venue la féminisation. Force est de reconnaître que la clarté de nos phrases n'y a pas toujours gagné...

« Le mannequin Stella Maxwell est tout sauf une débutante » (Elle) ; « La mannequin britannique Iskra Lawrence (...) a décidé de venger "ceux qui ont déjà été traités de gros" » (L'Express) ; « Une mannequin italienne devient arbitre » (Le Figaro) ; « C'est très cubain (...), lance Lagerfeld en désignant un mannequin vêtu d'une minijupe en tweed » (Madame (!) Figaro) ; « Hannibal Kadhafi est marié avec une mannequine libanaise » (Le Monde) : pour la presse, c'est visiblement comme on le sent !

Au vrai, les dictionnaires ne l'aident pas : en entrée, mannequin est partout resté — l'étymologie ne fait-elle pas de ce mot néerlandais un « petit homme », à l'instar du Manneken-Pis ? — un nom exclusivement masculin. Dans le Dictionnaire de l'Académie, nul ne s'en étonnera, la vénérable (et largement masculine) assemblée s'étant toujours refusée à confondre genre et sexe, que ce soit hier avec Druon ou aujourd'hui avec Hélène Carrère d'Encausse ! C'est plus inattendu pour Larousse et Robert, lesquels se montrent autrement réceptifs aux sirènes de la nouveauté. Certes, pour qui a le courage de pousser la porte de ladite entrée, l'intérieur se révèle plus accommodant. Au sens de « personne présentant au public les créations du couturier », Larousse concède qu'« au féminin on rencontre souvent une mannequin ». Quant à Robert, il précise que, pour désigner une femme, « l'usage actuel hésite entre un mannequin, une mannequin ou une mannequine ». Comme on le sent, on vous dit !

Le comble est atteint quand, dans une même phrase, on passe d'un genre à l'autre : « Nous avons considéré que la mannequin adossé au mur semble maladivement mince sur l'image » (site Metronews). Simple coquille ou confusion née de ce cas de transsexualité grammaticale ? Allez savoir...

On ne vous décrit pas le bin's le jour où les mâles ne supporteront plus, à leur tour, de se voir désignés par un nom féminin : à quand « Son Sainteté » pour le pape ? Il est vrai que celui-ci ne risque pas d'être pris pour une femme, condamné qu'il est par la légende à les avoir... « bene pendentes » !