Nouvelle orthographe :
il n'y a pas
que l'accent circonflexe dans la vie !
Si, dans les médias, la disparition du circonflexe a retenu toute l'attention et suscité la levée de boucliers que l'on sait, les mesures concernant les autres accents et le tréma sont passées presque inaperçues...
Il faut dire que la plupart étaient déjà dans les tuyaux, et qu'elles visent à réconcilier graphie et prononciation. Nombre d'usagers avaient du reste devancé l'appel, n'écrivant plus assener ni refréner, mais bien asséner et réfréner. Ils seraient malvenus à faire la fine bouche aujourd'hui ! Événement se prononçant de plus en plus comme avènement, ils ne devraient pas davantage monter au créneau contre évènement, lequel n'avait pas attendu 1990 pour s'infiltrer dans nos dictionnaires. Plus tiède sera sans doute l'accueil réservé à la francisation de certains mots latins (sénior, véto), mais placébo et référendum ne devraient pas poser plus de problèmes que n'en ont posé, hier, déficit et intérim. Quant à l'anglais révolver, il faudrait s'assurer qu'on ne le gratifiait pas de l'accent avant que nos réformateurs ne l'officialisent !
Ne parlons que pour mémoire, tant le tour ressortit à la langue académique, de l'inversion du pronom sujet de la première personne, obligeant à coiffer le « e » muet d'un accent (dussé-je). Cet accent est appelé à devenir grave, eu égard à la prononciation ouverte : dussè-je. Nul ne devrait s'en offusquer.
Du côté du tréma, la principale modification portera sur les adjectifs en -gu. On sait que, jusqu'ici, c'est au « e » du féminin que l'on faisait porter les deux points (et non deux traits, rien à voir avec l'Umlaut allemand) : aiguë. Ce signe indiquait que la dernière syllabe ne devait pas être prononcée comme dans Aigues-Mortes. Il l'indiquera toujours, mais il avancera d'un cran pour venir surmonter la voyelle qui se prononce, soit le « u » : ambigüe, contigüe, exigüe. C'est encore le « u » (au lieu du « i » auparavant) qui s'y collera dans les noms ambigüité, contigüité, exigüité. Quelques esthètes regretteront peut-être ces trois points successifs, mais gageons qu'ils seront peu à boire la... ciguë (pardon, la cigüe) pour ça !
Enfin, deux mots courants (oublions les peu usités mangeure et vergeure), recevront, sur le « u » toujours, un tréma afin qu'on ne les fasse plus rimer avec heure ou divaguer : gageüre et argüer. Là encore, c'était dans l'air du temps, et la langue n'en mourra pas.