Nouvelle orthographe :
noms composés, d'une pagaille à l'autre !

< dimanche 20 mars 2016 >
Chronique

Et si, bien plus que sur celui de l'accent circonflexe, c'était sur le terrain des noms composés que le bât risque de blesser, et pour longtemps ? Force est en effet de constater que l'on n'a pas toujours gagné en cohérence...

On jouait pourtant là sur le velours : la délicate question du pluriel des mots composés faisait figure d'épouvantail aux yeux des Français, et il semblait bien que l'on ne pût faire pis, dans ce domaine, que les règles de l'orthographe traditionnelle. Que n'a-t-on dit, naguère, sur le cure-dent et le cure-ongles, les serre-tête et les couvre-chefs !

Parce qu'il vaut mieux faire envie que pitié, on a, pour remédier à toutes ces inconséquences, proposé deux solutions plutôt qu'une. En finir, d'abord, avec cette manie de vouloir retrouver dans le composé le tour syntaxique qui lui a donné naissance pour le considérer comme un mot simple, lequel reçoit la marque du pluriel au pluriel seul : oublions qu'un pare-chocs a vocation à parer plus d'un choc (surtout, diront les machos, quand c'est Madame qui conduit), que les gratte-ciel ne grattent jamais qu'un ciel. Écrivons, sans nous poser plus de questions : un pare-choc, des pare-chocs ; un gratte-ciel, des gratte-ciels. Favoriser, ensuite, l'agglutination, ce qui évidemment résout le problème du pluriel : allons-y pour le millepatte, le boutentrain et le portemonnaie !

Et ne tombons pas dans le travers facile qui consiste à nous récrier sur ces soudures intempestives : on aurait trop beau jeu de répondre que plus personne ne s'étonne d'un portefeuille ou d'un portemanteau ! (Au vrai, combien écrivaient correctement ce dernier ?)

Le hic, c'est que nos dictionnaires ont fait librement leur marché, l'un gardant le trait d'union mais appliquant au composé la nouvelle règle, l'autre prônant la soudure, un autre encore laissant le choix. C'est ainsi qu'une forme comme pare-brise, qui valait hier pour le singulier comme pour le pluriel, s'est enrichie de trois autres graphies : pare-brises, parebrise et parebrises. La simplification saute aux yeux, et avec elle la multiplication des variantes à laquelle la réforme, justement, se faisait fort de mettre, sinon un terme, du moins un frein ! Ne parlons pas, par charité, de l'arbitraire qui règne là en maître : pourquoi recommander « boutentrain », et pas « touchatout » ?