Pour l'étymologie, un « bandit »
peut-il faire... bande à part ?

< dimanche 15 février 2015 >
Chronique

Alors que Jacques Messiant consacre un passionnant ouvrage à la célèbre « bande d'Hazebrouck », on peut se demander si ladite bande et les bandits qui la formaient sont, au regard de la langue, à mettre dans le même sac...

On serait naturellement porté à le croire, et pas seulement parce que les deux mots ont de toute évidence un air de famille. Au moins autant parce que le mot bande a souvent été affublé d'une connotation péjorative : pour ne rien signifier d'autre qu'« orchestre » sur un terrain musical que l'on sait propre à adoucir les mœurs, ailleurs il a régulièrement été flanqué de voleurs, de maraudeurs et de brigands. Il figure même en bonne place dans le peloton, traditionnellement étoffé, des insultes : chacun sait que si, au dire d'un ancien président de la République au parler fleuri, « les m... volent toujours en escadrille », connards et petits salopards ont de toute éternité circulé en bande !

La réalité étymologique est pourtant moins simple. N'importe quel dictionnaire usuel nous apprendra que la bande, issue du provençal banda, est à rattacher, par le latin bandum comme par le germanique bandwa, à l'« étendard ». C'est donc au prix d'une métonymie que l'on serait passé de ce signe de ralliement à la troupe elle-même. Le bandit, lui, descend officiellement du bandito italien, à l'origine participe passé d'un verbe bandire qui signifiait « bannir ». À cette aune, il est beaucoup moins celui qui appartient à une bande présumée malfamée que l'exilé, le proscrit, qui a été mis au... ban de la communauté.

Ce serait donc pur hasard si ces deux mots se ressemblent comme deux gouttes d'eau passablement croupie ? Gardons-nous de passer d'un extrême à l'autre... Comme c'est souvent le cas dans la langue, les deux lignées se sont probablement influencées, et plus d'un étymologiste fait remonter bandit au gotique bandwo, « signe », cousin germain (c'est le cas ou jamais de le dire !) du bandwa évoqué plus haut. Le monde est donc plus petit qu'on ne l'imaginait, et notre malheureux bandit se trouve repris... par la bande !

Voilà en tout cas qui devrait rassurer le carnavaleux égaré, prompt à entonner à la cantonade un tonitruant « Est-ce que t'as pas vu la bande ? » Ce qui précède montre assez que celle-ci est partout, jusques et y compris là où l'on avait cru perdre sa trace...