Quand Jean-Marc se fait appeler Arthur...
Il n'aura été question, tout au long de cette semaine, que du « recadrage » qu'ont eu à subir de la part de François Hollande certains de ses ministres, à commencer par le premier d'entre eux, prié — traduisez sommé — de tenir plus fermement ses troupes.
Il ne nous appartient naturellement pas, dans ce genre de rubrique, de nous prononcer sur le fond d'une affaire qui outrepasse de beaucoup les limites de nos maigres compétences. Tout au plus constaterons-nous que notre langue a, par le passé, fait preuve d'une imagination autrement débordante chaque fois qu'il s'est agi de relater une « explication de gravure ». Combien sinistre et hypocrite, en effet, apparaît ce verbe recadrer, pur produit aseptisé de notre civilisation « politiquement correcte » ! On sera certes tenté de voler à son secours, en affectant de s'amuser, par exemple, de son côté éminemment paradoxal : en général, on ne peut déjà plus encadrer celui que l'on feint de recadrer... et si l'on aspire, au fond de soi, à une chose et à une seule, c'est bien à le rayer définitivement des cadres ! Mais c'est égal, quelle désolante platitude en regard de ces locutions ô combien pittoresques qu'avaient su, hier, inventer nos ancêtres...
Naguère, le président de la République aurait passé à son Premier ministre un savon, en souvenir, c'est probable, des algarades musclées qui avaient presque toujours pour théâtre le lavoir. La Gervaise de Zola en salive encore ! Dans le même ordre d'idées résolument hygiénique, il lui aurait lavé la tête, sinon la boule. Accompagné d'un accordéon fabriqué dans sa bonne ville de Tulle, il lui aurait chanté la gamme et sans doute joué Ramona. Il lui aurait dit ses quatre vérités, sans qu'on sût trop pourquoi quatre. Il lui aurait donné une sauce, voire une graisse. Il lui aurait cherché pouilles, rivé son clou, sonné les cloches, secoué les puces comme à un simple ministre délégué à la Recherche et aux Technologies nouvelles. Fichu une perruque ou fait un postiche, et tant pis si la chose eût mieux convenu à Alain Juppé qu'à un Jean-Marc Ayrault que la conjoncture économique des plus moroses incite à se faire encore et toujours des cheveux. Il lui serait tombé sur le râble, l'aurait bien renvoyé chez sa mère-grand, lui aurait dévidé son chapelet. Qui sait ? peut-être même lui aurait-il mis le nez dans son caca ! Avouez que c'était là une tout autre époque...
Quant au chef du gouvernement, il en aurait pris pour son grade, sinon pour son rhume. Il se serait fait remonter les bretelles, juste retour des choses, après tout, pour quelqu'un qui ne cesse de nous serrer la ceinture. Il se serait fait — écho lointain, là encore, du temps où les harengères régnaient sans partage sur le verbe haut — engueuler comme du poisson pourri. Il aurait pris une soufflante ou, plus précisément, se serait fait souffler dans les bronches. En tout état de cause, il aurait entendu parler du pays, et pas seulement en revenant de Nantes.
Mais le plus probable est, d'assez loin, que cet ancien professeur d'allemand se fût fait appeler Arthur. Il se trouve plus d'un étymologiste pour penser, en effet, que cette expression énigmatique doit beaucoup aux années sombres de l'Occupation, quand le couvre-feu était fixé à 20 heures. Ledit Arthur ne serait autre, selon eux, que la déformation de « acht Uhr », que les récalcitrants s'entendaient alors régulièrement et vertement rappeler par la patrouille...
Elle n'était pas belle, l'engueulade d'hier ? Avouez qu'en comparaison nos modernes « enguirlandages » sentent passablement le sapin...