Pour garder la santé, faudra-t-il
bientôt compter sur ses doigts ?
On sait depuis toujours que, dans la vie, il faut souvent avoir le bras long. On vient tout juste d'apprendre que cela vaut aussi pour l'index. L'avoir plus long que l'annulaire, en tout cas, laisserait aux hommes l'espoir d'une moindre prédisposition au cancer de la prostate !
Au dire du British Journal of Cancer, la taille des doigts serait en effet liée — empreintes génitales de Brice Hortefeux, pas mortes — au niveau de testostérone in utero : moins il y en aurait chez l'embryon, mieux cela vaudrait... et plus long serait l'index ! Cela dit, il convient de tempérer les enthousiasmes : pour connaître sa prostate sur le bout du doigt, rien ne remplacera jamais le toucher rectal effectué par l'homme de l'art...
Voilà qui, de toute façon, ne devrait pas bousculer la hiérarchie des intéressés dans le domaine linguistique, laquelle n'a pas grand-chose à voir, d'ailleurs, avec leur taille. Le plus grand, appelé pour cette raison majeur, n'a par exemple jamais été en mesure de rivaliser avec le plus petit, nommé auriculaire à cause de notre propension à nous le fourrer dans l'oreille. C'est derrière celui-ci que l'on se cache quand on ne veut pas voir la réalité en face, c'est encore lui que l'on se refuse à remuer quand on paresse, ou qu'au contraire on tient ostensiblement en l'air pour afficher ses (prétendues) bonnes manières. Surtout, c'est le seul à être doué de la parole : que ne nous a-t-il dit que nous n'ayons immédiatement répété à des enfants suffisamment naïfs pour nous accorder foi ?
L'annulaire dont nous parlions ci-dessus a beau se targuer d'être, comme son nom l'indique, le seigneur des anneaux, son influence au sein de la langue est à l'image de sa souplesse : quasi nulle ! L'index a un peu plus de chance et occupe une place plus enviable dans nos dictionnaires. Mais ce n'est pas pour autant qu'il a la cote. Quand on montre du doigt, ce qui ne se fait pas, c'est lui qui s'y colle. Son étymologie n'a rien de reluisant : en latin, il n'était autre chose qu'un... indic ! C'est encore chez lui qu'à cause de ce catalogue de livres dont le Saint-Siège interdisait jadis la lecture, on met tout ce qui est dangereux et condamnable. Bref, pas de quoi pavoiser !
On l'aura compris, c'est le pouce qui, malgré ses allures pataudes, se taille la part du lion dans notre lexique. Durant l'enfance déjà, c'est lui que l'on suçait pour s'endormir, c'est lui qui, quand le jeu tournait mal, nous obtenait une trêve. Mais les grands enfants que nous sommes restés ont toujours besoin d'un de ses coups pour débloquer une affaire. C'est lui qu'on lève pour exprimer sa satisfaction, c'est sur lui que l'on continue à manger un morceau vite fait, c'est de lui que l'on se réclame pour se féliciter de n'avoir point reculé. Qui, enfin, n'a jamais rêvé de gagner au loto pour se les tourner définitivement, lui et son homologue de la main d'en face ?
Et quand bien même, la chance nous boudant, nous devrions nous avouer vaincus, c'est encore les pouces que nous mettrions, en souvenir du prisonnier qui les introduisait dans ces ancêtres des menottes qu'étaient les... poucettes !
Il faudrait néanmoins s'étonner que ces doigts qui sont dans toutes nos conversations en disent également long sur notre état de santé ? La chose nous paraît bien plutôt relever de la vérité de... la paluche !