Pour la presse écrite, ces
bébés-éprouvette sont d'un éprouvant !

< dimanche 10 octobre 2010 >
Chronique

Les papes se suivent et ne se ressemblent pas : si Jean-Paul II n'avait rien contre les tubes (un CD reprenant même, on s'en souvient, certaines de ses homélies), Benoît XVI part en guerre contre les éprouvettes de Robert Edwards, récent Prix Nobel de médecine.

Loin de nous l'intention de nous immiscer dans le débat : s'il sied au Saint-Père de mettre à l'index, n'ayons garde, pour notre part, de mettre le doigt entre l'arbre de la science et l'écorce de la religion. Nous nous bornerons donc à plaindre les rédactions de la France entière qui auront eu à rendre compte de l'événement. Car, comme dirait Brice Hortefeux, quand il y a un bébé-éprouvette, ça va — enfin, à peu près, car se pose déjà le problème du trait d'union ; mais c'est quand ils sont plusieurs que les ennuis commencent. Convient-il de mettre la marque du pluriel au premier élément, au second, ou aux deux ?

La chose est tellement rare qu'elle mérite d'être soulignée, ces frères ennemis de la lexicographie que sont Larousse et Robert parlent ici d'une seule voix : le trait d'union s'impose, et le pluriel doit s'écrire bébés-éprouvette. Quant au Dixel, il vote Hortefeux en ne précisant pas ledit pluriel. Mais comme qui ne dit mot consent...

Pourquoi ne pas l'avouer ? La solution préconisée nous semble avoir la logique pour elle. On ne voit pas pour quelle raison on refuserait aux bébés leur « s » : il suffit de les entendre brailler pour se rendre compte qu'ils sont plusieurs. Quant à éprouvette, l'invariabilité nous paraît également aller de soi. Ce ne sont pas des bébés qui sont en même temps des éprouvettes (comme il en va des portes dans portes-fenêtres) mais qui ont été confectionnés dans une éprouvette. Le trait d'union est davantage sujet à caution car des tartes faites à la maison sont, au contraire, des tartes maison. Mais pour une fois que l'on fait dans l'unanimité, on ne va pas chinoiser !

Eh bien, il faut se rendre à la triste évidence : le dictionnaire est snobé plus souvent qu'à son tour. On lit sur le site du Figaro : « Le Nobel de médecine va au père des bébés-éprouvettes. » Même chose sur celui du Parisien, mais sans le trait d'union cette fois : « Le père des bébés éprouvettes obtient le Nobel de médecine. » Cette dernière version est d'ailleurs partagée par Canal Académie, première radio académique — un comble ! — sur Internet : « Les traitements contre l'infertilité, des bébés éprouvettes à nos jours. » Mais vous nous direz, pour leur défense, que les sages du quai Conti, en dépit de la limite d'âge qui vient tout juste de les frapper, sont d'une époque où les bébés naissaient dans les choux plutôt que dans les éprouvettes. On a même trouvé sur TV5Monde, une référence pourtant en matière de francophonie : « Edwards, le père des bébé-éprouvettes qui a fait des millions d'heureux » !

Finalement, ne serait-il pas plus prudent de parler de fécondation in vitro ? Il est vrai que l'on a rencontré aussi in-vitro avec trait d'union ! Et puis il est à craindre que, pour Benoît XVI, cela ne règle pas le problème. Son entêtement à maintenir l'amour dans le giron de l'Église ne le portera-t-il pas toujours, et par principe, à prêcher, lui, la fécondation... « in vitraux » ?