En mai, fais ce qu'il te plaît...
ou ce qui te plaît ?
Aussi bien, pas de panique : à l'oral, de toute façon, on n'entend guère la différence ! Et pour ce qui est de l'écrit, la grammaire sait à l'occasion se montrer bonne fille : avec un verbe tel que « plaire », qui se construit de manière personnelle autant qu'impersonnelle, elle cautionne les deux versions.
Certes, elle nous fait alors valoir que tout dépend de ce que nous entendons exprimer par cette formule... Avec ce qui, la phrase signifiera plutôt « fais ce qui te donne du plaisir » ; avec ce qu'il, « fais ce que tu voudras, comme bon te semble ». C'est d'ailleurs ce dernier sens que privilégie, jusqu'à plus ample informé, notre dicton météorologique qui, après nous avoir incités à la prudence en avril, nous autorise, en mai, à nous vêtir comme il nous plaît de le faire. Mais Joseph Hanse précise que cette distinction de sens est « plus théorique que réelle » et Grevisse reconnaît, de son côté, que les hésitations sont fréquentes parmi les écrivains eux-mêmes. Il n'est pas sûr, par exemple, que le romancier Georges Duhamel ait fait le bon choix quand il se laissa aller à écrire, dans ses Querelles de famille : « Elle fait ce que je veux, bien sûr, pendant tout le temps que j'y pense. Mais si je me laisse distraire, si je rêve, si je te parle, l'auto fait ce qui lui plaît... »
Il en va de même pour bon nombre de verbes, qui s'accommodent, mais sans la moindre nuance de sens cette fois, de l'une et de l'autre tournure. C'est ainsi que Claude Puel peut à bon droit se demander ce qui ou ce qu'il est arrivé à son Lyon mardi soir, pour qu'il se montre à ce point impuissant à défendre sa cage face au Bayern ; Rachida Dati ce qui ou ce qu'il lui reste à faire pour regagner son escorte et surtout l'estime du président de la République ; Roselyne Bachelot ce qui ou ce qu'il serait advenu si elle ne s'était pas piquée, devant la menace que laissait planer le virus H1N1, d'appliquer tous azimuts le principe de précaution ; la communauté scientifique ce qui ou ce qu'il se passe dans la tête de Claude Allègre pour qu'il s'obstine ainsi à souffler le chaud et le froid ; et nos amis d'outre-Quiévrain ce qui ou ce qu'il résultera du psychodrame qui secoue une fois... de plus leur malheureux pays. Bienveillante syntaxe qui, quand il s'agit de nous indiquer ce qui convient... ou ce qu'il convient (d'écrire), renonce quelquefois au dogmatisme pour l'œcuménisme !
Il n'est qu'un cas — car ce serait trop beau — où, le naturel revenant au galop, le père Noël redevient Fouettard : pas question de substituer qui à qu'il devant un verbe toujours impersonnel. Il faut... ce qu'il faut ! « Ce qui » relèverait ici de la faute franche. Quand, à la rigueur, la chose pourrait s'entendre autour du comptoir du café du Commerce, on se gardera d'écrire que ce qui faudrait aux jeunes d'aujourd'hui, c'est une bonne guerre ! Bien sûr, Anatole France fait dire à son Crainquebille : « La prison, il n'y a pas à se plaindre. On y a tout ce qui vous faut. » Mais c'est de toute évidence pour préserver la vraisemblance et imiter le parler des faubourgs : le seul « kil » qui soit vraiment familier au sympathique marchand de quatre-saisons est sans nul doute de couleur rouge ! Bien sûr, Marivaux, dans son Indigent philosophe, écrit : « Si elles ne sont pas bonnes pour vous, elles ont tout ce qui leur faut pour moi. » Mais nous ne sommes pas sans savoir que nos classiques, si souvent portés aux nues pour la qualité de leur écriture, étaient en réalité, et sur bien des points, moins respectueux de la grammaire que nous ne pouvons l'être nous-mêmes !
Cela dit, vous conviendrez que ce souci est bien seul dans le bouquet de tolérances que nous vous tendons aujourd'hui : il est tellement rare que notre langue, par trop encline à ne pas se découvrir d'un fil, accepte de se déboutonner ! À défaut de muguet, nous espérons que vous aurez apprécié à sa juste valeur ce brin... de réconfort !