Rien, rien, rien,
vous ne saurez rien sur le zizi !

< dimanche 24 mai 2009 >
Chronique

À Tourcoing, un écolier de onze ans et demi gifle sa maîtresse parce qu'elle l'incitait à se mettre au travail. Près de Toulouse, un collégien de treize se venge de celle qui l'avait puni en cours de mathématiques en la poignardant. À Dijon, un instituteur se voit infliger par le tribunal correctionnel une amende de cinq cents euros avec sursis pour avoir, sur le ton de la plaisanterie, menacé un enfant qui dévoilait son anatomie à l'ensemble de la classe de lui « couper tout ce qui dépasse ».

Nous ne nous étendrons pas sur les deux premiers de ces faits divers. Le risque serait trop grand que le prof prît ici le pas sur le grammairien, quand bien même ce dernier, sur ce désolant terrain, aurait lui aussi son explication à avancer : à force d'abolir les distances, somme toute naturelles, qui existaient hier entre le maître et l'élève ; à force de vouloir réduire l'un et l'autre à leurs seules fonctions respectives, et presque interchangeables, d'enseignant et d'apprenant, faut-il vraiment s'étonner de tels... débordements ? Plutôt que dans les cartables, puisqu'il semble que l'on en soit là, c'est dans les têtes qu'il conviendrait de fouiller !

Cela dit, il y a peut-être plus grave que ce déni d'autorité, que cette débâcle du respect. On ne se contente plus en effet d'exiger que le professeur soit pieds et poings liés — ce qui peut à la rigueur se concevoir, même si, par le passé, personne ne s'indignait outre mesure qu'il s'en servît à l'occasion. Mais il se doit désormais de surcroît, comme le démontre le troisième de nos faits divers, de rester bouche cousue ! Condamné à tenir son langage en lisières, à surveiller comme l'eau sur le feu la moindre de ses paroles. Astreint à son tour à ce « politiquement correct » qui, non content d'avoir aseptisé jusqu'au ridicule nos sociétés occidentales, s'attaque à présent à l'école.

C'est que la gent écolière, on l'a vérifié ci-dessus, est fragile, sans défense aucune et prompte à crier au traumatisme ! On le mesure sur la Toile, à la lecture de billets comme celui-ci : « La psychologie de l'enfant a progressé. Des menaces, même sur le mode de la plaisanterie, peuvent avoir des effets dévastateurs sur la structuration psychologique de l'enfant. (...) Ici, l'instituteur, sans penser à mal, a pris sans doute la chose avec humour : l'excès dans la punition promise — “couper” au cutter — et la périphrase fantasque pour désigner “le zizi” qui se met à la fenêtre — “tout ce qui dépasse” — sont les indices d'une distanciation burlesque. Seulement l'élève peut être incapable de la percevoir et rester traumatisé par ce qu'il vit confusément comme une menace de castration. » Nous en prenons acte d'autant plus volontiers que la suite du billet, mesurée et objective, souligne la responsabilité au moins aussi grande des parents, supposés plus aptes que leur progéniture, quoique cela reste à démontrer, à faire la part des choses.

Mais il est un autre danger, qui n'est pas moindre à nos yeux : que le professeur, en chat échaudé qui craint l'eau froide, n'ose bientôt plus mettre un mot devant l'autre ; qu'il entre dans sa classe boutonné jusqu'au col, plus attentif à ce qu'il ne faut pas dire qu'à ce qu'il s'agit de transmettre ; qu'il néglige, surtout, d'inculquer à ses ouailles ce qui vaut par-dessus tout d'être enseigné, entendez — c'est un connaisseur qui parle — que les mots mentent et qu'il faut toujours conserver à leur égard une certaine distance. Savoir ne pas prendre un propos au pied de la lettre, n'est-ce pas en effet le premier pas vers l'intelligence ?