Le dilemme de tout candidat :
battre la campagne ou parcourir le Bled ?
Avouons-le sans ambages : si cette chronique était tombée une semaine plus tôt, nous ne nous serions pas fait faute de chinoiser sur le néologisme de gala dont Ségolène Royal a cru bon d'accoucher au pied de la Grande Muraille. Mais la... foultitude de réactions plus ou moins spontanées que ce dérapage verbal a suscitées nous en a ôté jusqu'à l'envie : allez tirer sur l'ambulance dès lors que vous arrivez comme les carabiniers ! Certes, nous mentirions en prétendant que nous a laissé de marbre le frisson de vertueuse indignation qui a parcouru, à cette occasion, l'échine de la France éternelle. Certes, nous avons aimé lire çà et là que quiconque aspirait aux plus hautes fonctions de l'État se devait de maîtriser la langue dans laquelle se déclinent ses lois. Certes, nous avons vibré à l'envolée de ce député — UMP —, qui a souhaité, des trémolos dans la voix, que « la campagne électorale puisse se dérouler avec l'usage d'une langue française pure et irréprochable ». Vaste programme ! Cela dit, nous aimerions être sûr que ces cris de vierge effarouchée doivent moins aux arrière-pensées politiciennes qu'à un respect sincère et profond de la langue. C'est un fait, la championne du parti socialiste est plus proche de l'Élysée que de l'Académie. Plus encore que ce lapsus que Jack Lang s'est — courageusement — ingénié à présenter comme une réminiscence de Lara Croft, en témoignent ces « entretiens que nous avons pu z'avoir » lesquels lui ont échappé, en Chine toujours, devant les micros éberlués. Mais est-on prêt à jurer que le héraut d'en face pense toujours à ménager ses propres participes, et pas seulement en se rasant ? Ne demandons pas à des candidats pour qui le Bled passera toujours après la campagne ce qu'ils ne peuvent nous donner. Que les médias, notamment, ne jettent la première pierre qu'après s'être assurés de leur infaillibilité en la matière. Le français, aurait pu dire le général, est chaque jour outragé, brisé, martyrisé. Moqué par nos élites, qui lui préfèrent ouvertement l'anglo-américain. Combien de voix s'élèvent, en temps normal, pour le défendre ? N'attendons pas, encore une fois, de nos politiques qu'ils parlent toujours comme des livres. Mais qu'ils se souviennent, une fois parvenus au pouvoir, de ce que l'État doit au français, hier ciment du royaume, aujourd'hui de la nation. Cela a d'ailleurs un très beau nom, femme Ségolène, et celui-là est à consommer sans modération. Cela s'appelle la gratitude.