Un mois de prison
pour avoir voulu payer en liquide !

< dimanche 29 octobre 2006 >
Chronique

On s'en doutait bien un peu : il suffit à certains d'avoir une carte de crédit à la main pour ne plus se sentir pisser. Pour autant, personne n'imaginait que l'on pût aller jusqu'à uriner sur un distributeur de billets de banque ! C'est pourtant ce qui s'est passé, il y a peu, du côté de Quimper, au grand dam de la justice qui a condamné l'indélicat, confondu par les bandes vidéo dudit distributeur, à quinze cents euros d'amende et à un mois de prison ferme... Quand cela ferait cher de la goutte — les sanisettes, si elles n'acceptent pas la carte bleue, offrent une intimité et un rapport qualité-prix infiniment supérieurs —, gageons que nos lecteurs seront assez peu à s'indigner. Peut-être se trouvera-t-il quelques anars impénitents pour déplorer que, dans nos sociétés de plus en plus répressives, l'on nous mène de toute évidence à la braguette. Force est pourtant de reconnaître que ce jeune homme de vingt-quatre ans (et qui par conséquent, on ne nous fera pas prendre une vessie pour une lanterne, n'a pas même l'excuse d'une prostate enflammée !) l'a bien cherché : se tromper de porte-monnaie et s'oublier devant une caméra, n'est-ce pas là, au propre comme au figuré, donner des verges pour se faire fouetter ? Cela dit, ne réclamons pas la mort du pécheur. Sans lui, ne nous serait peut-être jamais venue l'idée de nous demander, dans le cadre de cette rubrique, pourquoi l'on s'obstine à nommer « liquide » des espèces réputées sonnantes et trébuchantes. Ne conviendrait-il pas bien plutôt, par les temps matérialistes qui courent, de voir en l'argent le solide par excellence ? Renseignements pris, c'est au seizième siècle que, sous l'influence de son homologue italien liquido, l'intéressé se serait répandu sur le terrain de la finance. On aurait en effet qualifié de la sorte des biens qui, pour n'être grevés d'aucune charge, étaient libres de dettes et ne souffraient de ce fait aucune contestation. Par la suite, on en est tout naturellement venu à appliquer ce terme à l'argent disponible sur-le-champ, le langage bancaire se payant même, au dix-neuvième siècle, le luxe d'un frère jumeau, sous la forme de la liquidité.

Il n'est pas sûr que ce maigre alibi linguistique suffise à faire oublier la légèreté de cet article, écrit, on l'aura deviné, d'un seul jet. Que nos lecteurs se consolent, au demeurant : il vient de leur être opportunément rappelé que, devant une banque, mieux vaudra toujours dissimuler son débit.