Un patrimoine
peut en cacher un autre...

< dimanche 17 septembre 2006 >
Chronique

Voilà une révélation qui va en décomplexer plus d'un parmi ceux que continuent à impressionner les très sérieuses « Journées du patrimoine » : quand les dictionnaires ne s'en feraient plus l'écho, ce dernier mot, loin de s'appliquer aux seuls chefs-d'œuvre artistiques du genre humain, aurait à l'aube du XVIIIe siècle désigné, par plaisanterie évidemment, certaines parties de l'anatomie masculine qui ne sauraient être, elles, dévoilées au public... Seront les premiers à s'en étonner, voire à s'en offusquer, les lettrés qui savent que ledit mot — n'a-t-il pas notamment représenté la partie du domaine possédé par l'Église en Italie ? — a eu longtemps ses habitudes dans la langue ecclésiastique : on ne mélange pas de la sorte, convenons-en, les torchons et les burettes ! Mais, à la réflexion, il n'y a dans ce dévoiement rien que de très... naturel : avant de faire, récemment, l'entrée fracassante que l'on sait dans le domaine de la sociologie culturelle, au sens de « biens matériels et intellectuels hérités par une communauté », le patrimoine, alors qualifié de « génétique », avait envahi celui de la biologie. Il fallait s'y attendre, le mot symbolisant, par son étymologie même (le « bien du père »), ce qui était transmis à une personne par les générations précédentes. Qui niera d'ailleurs que cette notion d'héritage ait trouvé, depuis lors, sa traduction moderne dans nos argotiques « bijoux de famille » ? Que ce soit au dix-huitième siècle, et plus précisément à la Régence, que nous devions cet alignement du patrimoine sur nos « génitoires » ne nous surprendra pas davantage. La période, on le sait, s'y prêtait assez : le Roi-Soleil venait de s'éteindre et, avec lui, une période particulièrement morose, dominée par le puritanisme de la marquise de Maintenon. Tout autre devait se révéler, une fois au pouvoir, le sémillant Philippe d'Orléans, celui en qui Voltaire voyait un « spécialiste du poison et de l'inceste » et que les témoins de l'époque nous disent plutôt porté sur la chose. Puisse en tout cas ce rappel historique un rien coquin aider nos lecteurs à affronter stoïquement, en ces Journées du patrimoine, ce que l'on n'appelle pas toujours spontanément... les files d'attente !