Une seule lettre vous manque
et les amphis sont repeuplés !...
Cette semaine, les étudiants de la faculté de médecine de Strasbourg ont été invités à « plancher » sur une nouvelle épreuve d'anatomie. Motif : celle qui leur avait été soumise le 24 mai dernier contenait... un os ! Rien que de très banal dans un tel contexte, nous direz-vous. Sauf que cet os-là — un surnuméraire, sans doute — n'était pas prévu au programme. Tout à leur envie de muscler l'épreuve, les auteurs de la première mouture n'avaient pas remarqué que dans l'énoncé du sujet un abducteur (qui écarte le membre de l'axe du corps) s'était sournoisement substitué à un adducteur (qui l'en rapproche, au contraire). Parce qu'un croquis vaudra toujours mieux que de longs discours, gageons que c'est à un mouvement d'abduction qu'aura rêvé plus d'un candidat frustré en se voyant balancer un poing crispé sur le responsable de la bavure ! Fantasme blâmable s'il en est, mais d'autant plus compréhensible qu'il n'était point besoin de prétendre à la succession d'Hippocrate pour percer le sens des susdits... Le premier latiniste venu — il est vrai qu'il en vient de moins en moins — sait que l'élément ab, au propre comme au figuré, marque dans notre langue l'éloignement, la séparation. En témoignent assez l'aberration (laquelle nous détourne de la raison), l'abjection (qui suscite le rejet) ou encore l'ablation (qui consiste à enlever quelque chose). À l'inverse, le préfixe ad traduira un rapprochement : des angles adjacents se jouxtent, l'adverbe flanque le verbe pour en modifier le sens... Visiblement plus contractées que le muscle incriminé, les autorités universitaires — qui malgré tout ne pousseront pas l'humour jusqu'à déclarer que ce sujet d'anatomie avait été disséqué avec soin — ont cru devoir souligner que « lectures, relectures et contrôles » s'étaient pourtant succédé sans relâche. Le chroniqueur, qui ne sait que trop les dangers que font courir à ses propres articles les paronymes, autrement dit ces mots qui se ressemblent comme deux gouttes d'eau, se gardera ici de jeter la première pierre. À quelque chose, d'ailleurs, malheur est bon : voilà qui rappellera déjà aux professeurs débutants à quoi ils s'exposent chaque fois qu'ils dévoilent aux étudiants... leur anatomie !