Les limites de la méthode Coué

Plus dure est la chute...

< mardi 29 juin 2004 >
Chronique

Il importe d'être clair. Ce qui nous chiffonne, ce n'est pas que la France ait perdu : la défaite est inhérente à la compétition et le peu que, dans un tout autre domaine il est vrai, nous connaissons de cette dernière nous a appris que ce sont les heures sombres qui donnent leur prix aux succès passés et à venir. Ce n'est pas davantage qu'une prime rondelette vienne à point nommé consoler les... infortunés, quelques pisse-froid dussent-ils trouver que 69 000 euros par joueur (et le double pour un « coach » dont les décisions, c'est le moins que l'on puisse dire, n'auront pas toutes fait mouche), c'est assez bien payé pour (ne pas) jouer comme l'équipe de France (n')a (pas) joué. Mais que nos Bleus se soient montrés plus grillés que saignants ne doit pas les empêcher de gagner leur bifteck ! Ce qui nous a mis mal à l'aise, en revanche, c'est le fossé — abyssal, cyclopéen — entre le consternant spectacle qu'offraient nos footballeurs et la perception qu'ils en avaient (ou disaient en avoir) eux-mêmes. Manque de lucidité ? Méthode Coué ? Intox ? Toujours est-il que, de l'avis de tous, certaines de leurs réactions ont confiné à l'arrogance. Se gargariser du seul résultat peut certes se concevoir, surtout auprès de Français qui, des décennies durant, ont appris à se contenter de la seule manière... Mais le La Palice évoqué ci-contre aurait tôt fait de nous ramener sur terre : une telle stratégie n'est viable qu'aussi longtemps qu'il y a... des résultats ! Que la chance fasse soudain défaut et l'on se retrouve, comme aujourd'hui, nu comme le crâne d'un Barthez. Le lecteur nous en voudra-t-il si, renouant avec nos attributions, nous risquons un parallèle avec la situation actuelle du français ? Là non plus, nous ne manquons pas de « coaches » pour nous rassurer sur son dynamisme ; sur la détermination des pouvoirs publics à faire respecter urbi et orbi, entendez en Europe et à l'ONU, son statut reconnu de « langue officielle » ; sur l'éclatante santé de la francophonie. Et nous-mêmes, sur le terrain, arrogants à notre façon, tellement pénétrés du glorieux passé de notre idiome, sommes à cent lieues de penser que puisse survenir ce que Claude Duneton ne craint pas d'appeler « la mort du français ». C'est pourtant ce qui nous pend au nez comme un sifflet de Collina. La différence, la seule, c'est qu'il ne se trouve pas grand monde pour s'en émouvoir dans les tribunes.