French or not French ? That is the question...

What do I know ?

< mardi 4 mai 2004 >
Chronique

Seriez-vous de ceux que ces titres en anglais réussissent encore à agacer ? Il faudra pourtant vous y faire, pour peu que s'impatronise le climat de démission linguistique qui sévit actuellement en France. On s'était habitué à voir organiser sur notre sol, au flagrant mépris de la loi, des colloques en anglais, sans traduction simultanée en français. Y compris à l'École normale supérieure, que l'on avait connue plus soucieuse du rayonnement de la pensée hexagonale, et sous l'égide du CNRS, organisme public s'il en est. On avait à peine frémi — l'initiative a tout de même valu à Jean-Marie Colombani le prix de la « Carpette anglaise » 2002 — devant ce supplément hebdomadaire en anglais proposé par notre confrère Le Monde. Le point de non-retour semble pourtant bien avoir été atteint ces derniers jours avec la publication par la collection Que sais-je ? — autre fleuron présumé de notre patrimoine culturel — d'un numéro consacré à la finance et rédigé in extenso dans ce qu'il est convenu d'appeler la langue de Shakespeare (le pauvre !). Le tout, bien sûr, au nom du sacro-saint pragmatisme (autre gadget, faut-il le rappeler, mis au point par les penseurs d'outre-Manche) et sous le prétexte que l'anglais est aujourd'hui, « qu'on le veuille ou non », la « langue de la finance »... Le piquant de l'histoire, c'est que cette publication intervient la semaine même où nous recevons un communiqué aux accents triomphalistes de l'association APFA (Actions pour promouvoir le français des affaires), qui se félicite par la bouche de son président, Jean Marcel Lauginie, de la « très importante fabrication terminologique effectuée par les pouvoirs publics en France » : dispatcher se dira désormais « répartiteur, -trice », coaching « mentorat » et short list « liste restreinte ». Tout cela est bel et bon, évidemment, mais il est à craindre que nous soyons là en retard d'une guerre : sied-il encore de s'offusquer de la présence dans notre lexique de quelques termes d'origine étrangère quand c'est notre langue tout entière qui se saborde ? Si « printemps terminologique » il y a, comme le prétend, lyrique, M. Lauginie, ce n'est rien d'autre qu'un printemps pourri. Quant à l'élargissement de l'Europe, dont nous aimerions pouvoir nous réjouir sans arrière-pensée, il va sans dire qu'il servira un peu plus encore la cause de la langue unique. C'est bien connu : « Plus on est de fous, moins on traduit ! »