Ils ont bien ouvert les boîtes,
mais le banquier ne les a pas appelés...

À prendre ou à laisser ?

< mardi 24 février 2004 >
Chronique

Finalement ils ont laissé, n'emportant qu'un... portable et une somme à peine suffisante pour s'acheter un train électrique. Il faut dire qu'ils étaient aux pièces, et que grande était leur crainte de se faire appeler Arthur ! Nous voulons parler, mais vous les aviez reconnus, de ces « braqueurs » qui, après avoir pris d'assaut, en gare de Gennevilliers, un wagon plein d'une monnaie tout juste frappée à Pessac, sont repartis bredouilles, incapables qu'ils étaient de déplacer les caisses tant convoitées. Ah ! si seulement il s'était agi, comme au bon vieux temps, de francs lourds, nul doute qu'ils ne se fussent méfiés ! Mais ces euros, dont on a dit et répété que, face au dollar, ils ne feraient jamais le poids ? Ces euros tellement rikiki qu'on hésite à les gratifier d'un s quand ils sont au moins deux ? Il faut dire que nos banques, avec leurs billets de cinq, de dix, de vingt... EURO, ont tout fait pour ça. Il n'est d'ailleurs pas question de les accabler car que faire d'autre, dès lors que les douze États qui ont adopté la monnaie unique parlent neuf langues différentes et qu'ils n'ont pas, il s'en faut, la même culture du pluriel ? Là où les Français trouvent tout naturel de recourir au s, nos voisins d'outre-Rhin disposent de moult désinences, -en, -er, ou encore -e. Les Italiens, on le sait, en pincent plutôt pour le -i. Quant aux sujets de Sa Gracieuse Majesté, s'ils « wait and see », ils doivent déjà parler d'euroes, sur le modèle de heroes. Il n'en demeure pas moins obligatoire, et nous en profitons pour le redire ici avec force car il ne se passe pas une semaine sans que la question nous soit posée, de respecter en ce qui nous concerne les habitudes françaises : au pluriel, le s s'impose à l'euro comme au cent, qu'il est préférable de nommer centime. Peut-être — on peut toujours rêver — cette énième mise au point nous vaudra-t-elle de recevoir un peu moins de factures libellées EN EURO (comme si les capitales dédouanaient par avance de l'accord défectueux). On ne voit vraiment pas pourquoi, alors que le pluriel allait de soi jusqu'ici (ne s'exprimait-on pas en anciens francs, en francs constants ?), il en irait autrement pour l'euro. Voilà, nous l'espérons en tout cas, qui consolera nos infortunés cow-boys de Gennevilliers. Pour avoir déraillé dans leur moderne attaque du train postal, ils n'en auront pas moins contribué à remettre nos lecteurs sur la bonne voie !