Quand les basses-tailles jouent les ténors

La revanche du petit Nicolas

< mardi 11 février 2003 >
Chronique

Qu'est-ce qui fait courir Nicolas Sarkozy ? Pour le Canard enchaîné, certaines « humiliations lointaines » que lui aurait values sa taille modeste. Et l'exclu d'hier de reconnaître de bonne foi : « Quand vous êtes le plus petit à l'école et qu'aucun de vos camarades ne vient vous parler, eh bien, c'est terrible et vous êtes tout seul. Alors, plus tard, et après avoir vécu ça, vous n'avez plus qu'une envie : être le numéro un ! » En d'autres termes, si le maire de Neuilly a conquis l'Intérieur, c'est parce que naguère, à la récré, personne ne venait le chercher pour jouer aux gendarmes et aux voleurs... Contribution décisive à l'étude de la vocation politique : on peut ainsi imaginer que le plus sûr moyen de s'installer rue de Grenelle est encore de s'ennuyer à mourir sur les bancs de l'école (Luc Ferry vient d'ailleurs de le confirmer) ; qu'un gamin poursuivi par une vache a toutes les chances de finir à l'Agriculture ; et que Francis Mer a passé sa jeunesse à se faire racketter à la sortie des cours ! Cela dit, et pour en revenir à notre chouchou des sondages, il reste à démontrer que devenir ministre soit la voie royale pour grandir. Faut-il rappeler ici que le mot, lequel s'appliquait à l'origine à un serviteur qui exerçait des fonctions des plus subalternes, descend du latin... minus ? Si, depuis lors, ledit ministre a de toute évidence pris du galon, le titre, grammaticalement parlant, ne donne toujours pas droit à la majuscule : notre Premier... ministre en sait lui-même quelque chose, lui qui aurait lieu de faire un drôle de nez à son homologue Blair, dûment estampillé Prime... Minister ! C'est qu'en français la majuscule (n'en déplaise à ceux qui, soucieux d'arroser les ego, en usent sans discrétion aucune) ne saurait se galvauder. Comment, sans elle, distinguer le ciel de Catherine Laborde du Ciel de Jean-Paul II ? La lune que l'on observe de la Lune sur laquelle Armstrong a posé le pied ? Une banale révolution (celle des autres) de la Révolution (la nôtre, la seule, la vraie) ? De même, quand les succès de sa politique la lui feraient envisager, M. Sarkozy n'aurait rien à espérer d'une canonisation : devenu saint, il n'en resterait pas moins voué à la minuscule. Pour grandir enfin, il faudrait que place lui fût faite dans le calendrier. Pas de chance, la Saint-Nicolas existe déjà !