Édition revue et (à moitié) corrigée
Vingt ans après
La coquille est partout. Née avec l'imprimerie, elle prospère dans la presse écrite, quotidienne surtout. Que votre journal favori ne fasse, en l'espèce, qu'obéir à la loi commune ne saurait lui tenir lieu d'excuse. Il nous semble pourtant que le cas est plus pendable quand il émane de traités de grammaire, censés définir le bon usage : qui prétend donner le la doit savoir chanter lui-même ! Il nous semble encore que le temps ajoute à la gravité de la faute. Si l'on peut trouver des circonstances atténuantes à un produit réalisé dans l'urgence, on se montrera plus sévère pour des ouvrages qui en sont à leur énième réimpression. Mais ceux-ci sont-ils vraiment, comme le revendique souvent leur couverture, « revus et corrigés » ? Nous avons voulu en avoir le cœur net en passant au crible la dernière édition du très coté Dictionnaire des pièges et difficultés de la langue française de Jean Girodet (Bordas). Sur le fond, un des meilleurs. La forme est une autre histoire : les premières versions (1981 et 1986) regorgeaient d'erreurs et de coquilles — trois cents au bas mot — qui, pour arracher quelques sourires au lecteur (« route dentée, call-gril, deux t comme dans... flotille, il faut parler sur trois chevaux »), provoquaient plus volontiers son indignation. À l'heure où Alexandre Dumas frappe à la porte du Panthéon, il était tentant de se demander ce qu'il en était... vingt ans après. Le bilan est, pour le moins, contrasté. Si plus d'une horreur a disparu (nos colonnes de gauche), il en subsiste assez (nos colonnes de droite) pour que l'on soit fondé à s'interroger sur la cohérence du travail mené. Est-il normal que l'on continue à louer la correction de la phrase « Voilà trois semaines que je l'ai pas vu » (p. 515) ? À prôner, trois fois au sein du même article, les barbarismes sursoierai et sursoierais (743) ? Comment le lecteur pourrait-il s'amender quand l'ouvrage qu'il consulte, au mépris de ses propres directives (742), refuse ses traits d'union à la locution sur-le-champ (232) ; met une cédille au c de C'en est fini (322) après en avoir souligné le caractère indésirable (143) ; préconise la graphie tibétain (760) mais écrit sino-thibétain (720) ? « Cet ouvrage, clame la quatrième de couverture, satisfera un public exigeant ». Voire ! Le moins que l'on puisse exiger d'un tel livre, n'est-ce pas qu'il prêche d'exemple et soit le premier à observer les règles qu'il prescrit ?