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Plein sud

On m’avait dit.

On m’avait dit l’aurore, quand Morphée desserre son étreinte pour laisser respirer la terre.

On m’avait dit le pleur du cocotier, quand celui-ci, sous les assauts d’Éole, semble se pencher sur son sort. Les fruits qui, alors, lui échappent sont autant de larmes versées sur l’atoll.

On m’avait vanté la vahiné, la seule qui, par corps, sache réciter l’amour.

On m’avait raconté Papeete et les trucks, ces drôles de monstres qui s’endorment camions pour se réveiller autocars.

De quelques coups de crayon qui ne souffraient pas de réplique, on m’avait colorié mon ciel en vert, ma mer en bleu. À moins que ce ne fût l’inverse...

Longtemps, patiemment, on m’avait appris le parfum entêtant du tiaré ; celui, plus prude, de la bougainvillée.

Pour moi, on avait arraché à la naphtaline l’habit des Stevenson, des Gauguin et autres Pierre Loti.

Parce que c’était moi, on m’avait soufflé dans le creux de l’oreille, car les paradis eux-mêmes ont leurs épines, le poisson-pierre qui hante la lagune comme le destin votre vie.

Mais quelle est donc cette chose que l’on m’avait cachée, peut-être pour que le voyage me l’apprît ? Ce soliste qui parle plus haut que l’orchestre ? Cette dernière touche qui, à elle seule, signe le tableau ?

 

Alors Dieu, qui devait relire Giraudoux, entendit ma prière. S’appuyant du coude sur son duvet de nuages, il confia la réponse aux vents :

— Cela a un très beau nom, ô mortel. Cela s’appelle l’ennui...

 
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