Champion d’orthographe à l’ONU
Bruno Dewaele : un sans-faute
Nicolas DELECOURT
Croix Magazine Nord-Pas-de-Calais
24 avril 1992
À 39 ans, il est sacré champion du monde d’orthographe. Professeur agrégé de lettres modernes au lycée des Flandres d’Hazebrouck, Bruno Dewaele atteint les faîtes du succès. Sa célébrité, il l’assume avec simplicité. Et philosophie.
Samedi 11 avril. La date restera longtemps gravée dans la mémoire de Bruno Dewaele. Ce jour-là, devant plusieurs dizaines de millions de spectateurs, il est officiellement sacré « champion mondial d’orthographe » par Bernard Pivot. Le lieu du succès : la grande salle de l’ONU à New York.
En 1984, Bruno Dewaele apprend que Bernard Pivot organise un championnat de France d’orthographe. Pour ce professeur agrégé de lettres modernes, c’est l’occasion de relever un défi. « Je voulais simplement représenter la région en finale », nous explique-t-il, presque humblement.
Pendant un an, il dévore dictionnaires et ouvrages de référence. Échappant aux chausse-trapes (ou chausse-trappes, c’est accepté) habilement placées par Bernard Pivot, il termine vainqueur de la compétition. « Cette victoire m’a beaucoup ému. Peut-être plus que celle de l’ONU. »
Et pourtant, l’enjeu n’est pas le même. En 1985, une salle à Paris. En 1992, l’ONU. En 1985, une compétition nationale. En 1992, un championnat mondial. Et, en 1992, plus de 260 candidats venus de 108 pays. Une bien rude épreuve dont il est sorti vainqueur incontesté.
La voix grave et posée de l’enseignant, les lunettes solides du lecteur et de l’écrivain, Bruno Dewaele analyse avec calme et modestie son succès : « Cette victoire est le fruit d’un travail acharné. Mais aussi, il faut le reconnaître, de la chance. »
Pour preuve, les ancolies, ces fleurs, autrefois chantées par Apollinaire, héroïnes de la dictée de Pivot. Bruno Dewaele a longtemps hésité à les orthographier « ancholies ». Il s’est finalement ravisé. Un simple « h » aurait pu tout faire basculer.
Chez lui, un paquet de graines d’ancolies, offertes par ses élèves, témoigne de la fragilité d’une victoire.
Et s’il apprécie l’aura qui l’entoure comme la récompense de ses efforts, en aucun cas il ne se grise des éloges et des applaudissements qui résonnent autour de lui.
Bien sûr, il continuera à écrire. Et pas seulement des dictées.
Homme de lettres et jongleur des mots, Bruno Dewaele a déjà signé trois livres. Deux essais humoristiques (La Danse du Scalpel et Comme sur des roulottes) et un récent recueil de nouvelles : Les Allées d’Étigny. Tirées de la réalité et mâtinées d’irréel, ces nouvelles sont ciselées comme autant de fines et précieuses pierres d’écriture.
Exhibé par Bernard Pivot à l’ONU, ce recueil a été doublement récompensé : au festival du Livre de La Couture et par l’Académie d’Arras. Ces distinctions tombaient le jour même où il concourait à New York, et gagnait.
Il y a comme ça des jours où le mot chance semble avoir envahi tout le dictionnaire.