ON EN PARLE
C'est Versailles, ici !
Numéro 520/521
juillet-août 2023
Décidément, Versailles est partout. Dans la publicité, sur le mode ironique, et à seule fin de rappeler à notre (bon ?) souvenir les économies d'énergie. Mais aussi sur le terrain politique : il semblerait en effet que l'exécutif fût plus que jamais convaincu des vertus du décor dès lors qu'il s'agit d'attirer dans l'Hexagone, et leurs carnets de chèques avec eux, les poids lourds de l'investissement planétaire...
On aura compris que, pour un pays qui vient de voir sa note abaissée par l'agence Fitch (le « moins » final de AA— pesant beaucoup plus que les éclats de rire crispés du début), les murs du château se révèlent autrement porteurs que les poubelles fumantes des lendemains de 49.3 !
Sait-on pourtant que parler des fastes de la monarchie relève déjà de l'à-peu-près grammatical ? que le pluriel dont on n'use que trop souvent en pareil cas (et qui ne contribue pas peu, par son emphase, à nous dorer la pilule) repose lui-même sur une franche confusion ? Ce sont les fastes de l'antiquité romaine qui pouvaient se targuer de n'exister qu'au pluriel. Mais les intéressés n'avaient pas grand-chose à voir avec la pompe et le luxe dont on charge le mot de nos jours : ils avaient seulement vocation à désigner ces espèces de calendriers qui recensaient les jours où il était permis de rendre la justice comme de procéder à certains actes publics, les auspices ayant daigné se montrer favorables. En cela, ils ne faisaient que s'opposer à ces jours néfastes au cours desquels mieux valait rester couché. C'est à se demander si, pour nombre d'abstentionnistes et de pêcheurs à la ligne d'aujourd'hui, la tendance ne s'est pas inversée !
Toujours est-il que le faste que l'on associe traditionnellement au Roi-Soleil et qui s'abreuvait aux mamelles conjointes de Lully (côté cour) et de Le Nôtre (côté jardins) n'a pas grand-chose à voir, étymologiquement parlant, avec le pluriel originel. Il ne serait pas issu, pour sa part, de l'adjectif fastus, a, um, à l'œuvre dans les fasti dies que l'on vient tout juste d'évoquer, mais bien plutôt du nom fastus, us, lequel faisait plutôt dans un orgueil et un dédain typiquement humains. Une connotation péjorative manifestement promise à un bel avenir puisque, derrière la splendeur et la magnificence de façade, l'affectation, l'étalage m'as-tu-vu et l'ostentation vaine se tiendront longtemps en embuscade…
Aux mécréants et régicides que nous sommes, il est vrai qu'il n'était point de bonne solution : le pluriel renvoie à un droit divin (fas) fort peu laïque, le singulier à une morgue fort peu républicaine. Et puis, le péril anglomaniaque se précisant un peu plus chaque jour, ne subsistera bientôt plus sur nos tablettes, de toute façon, qu'un FAST contre lequel nous aurons de bien meilleures raisons encore de nous montrer FURIOUS !